For All Mankind, de Ronald D. Moore et Ben Nedivi

Série télé uchronique. En 1969, l’URSS réussit le premier alunissage de l’Humanité, avant de surenchérir avec l’alunissage d’*une* cosmonaute. En réaction et sous pression de la Présidence, la NASA accélère fortement son programme spatial, décide de l’ouvrir aux astronautes femmes, et lance la construction d’une base permanente sur la Lune.

Saison 1 :

J’ai beaucoup aimé. On commence avec des astronautes (et leur entourage) qui sont des stéréotypes en carton-pâte, et la série les déconstruit progressivement pour en faire de vraies personnes avec des vies compliquées. Il y a une palanquée de problèmes techniques dans l’espace qui tiennent les spectateurices en haleine, et ce d’autant plus qu’en bonne série post-GoT, les scénaristes n’hésitent pas à tuer des personnages principaux (en terme de tension qui te tient rivé à ton siège, mention spéciale à l’épisode 9).

C’est fortement dans la même veine que The Calculating Stars, même si l’uchronie et la période temporelle sont un peu différentes, et c’est très cool de voir ce genre d’histoire sous la forme d’une série avec un bon budget pour les décors.

Saison 2 : (spoilers below)

J’ai une opinion plus mitigée sur la saison 2. L’idée de faire un saut dans le temps de 10 ans pour montrer les évolutions à la fois technologiques, culturelles, et de la vie des personnages était intéressante, ainsi que pour montrer ce que la doctrine Reagan de confrontation permanente et de guerre des étoiles donnerait dans ce contexte. Mais finalement en dehors des références à John Lennon on voit très peu d’évolutions culturelles ; c’est un peu plus le cas pour la technologie avec les voitures électriques et les visioconférences en avance sur leur temps, mais ça reste léger. Finalement pour les personnages, on voit une évolution pour Margo et Aleida, mais honnêtement pour tous les autres ça ne donne pas vraiment l’impression que dix ans ont passé, plutôt deux ou trois.

Plus fondamentalement, pour moi cette saison avait un problème de rythme. La S1 introduit plein de personnages, tous les enjeux, et elle réussit à quand même avoir plein de trucs qui se passent, beaucoup de tension, de problèmes techniques à régler. Ici, alors que par rapport à la S1 y’a beaucoup moins à introduire (en nouveaux personnages on a Kelly, Piscotty, un ingénieur russe et disons 1,5 personnages pour représenter l’équipage de Jamestown qui parle de temps à autre ?) et pourtant y’a beaucoup d’épisodes où il ne se passe pas grand chose, et plus gênant encore beaucoup d’épisode où on voit juste la Terre et deux-trois plans dans Jamestown où les gens parlent à la télé. Il y a des enjeux un peu intenses dans l’épisode 1, puis dans 8, 9 et 10. Pour certaines lignes narratives c’est nécessaires : toute la tension de l’épisode 10 repose sur la montée graduelle d’éléments géopolitiques qu’on voit en arrière plan sur toute la saison, et y’a besoin de tout montrer en même temps dans le dernier épisode, ok. Mais pour d’autres éléments, on passe beaucoup trop de temps sur Gordo et ses angoisses sans que grand chose avance, et toute la ligne de la vie personnelle d’Ellen donne l’impression d’être un décalque de sa ligne de la saison 1, sans l’effet de surprise, sans enjeux puisqu’en définitive elle ne fait jamais de choix, et avec une esthétique pastel atroce pour les scènes « regardez, deux femmes qui s’aiment dans un parc, mettons une lumière douce et faisons les parler doucement ». Meh.

Globalement, je trouve que si on prend la saison entière, les événements du final rachètent une partie de ce qui se passe dans les épisodes précédents : on voit clairement que la militarisation de l’espace était une erreur atroce, et qu’on n’est passé vraiment pas loin de la troisième guerre mondiale à cause des choix idiots des USA. Mais si on prend les choses épisode par épisode (et c’est une série télé qui sort à raison d’un épisode par semaine, donc c’est des plus logiques au vu du format d’analyser comme ça), on a des moments qui sonnent totalement va-t-en-guerre et militaristes : je pense notamment aux passage où les Marines fredonnent la chevauchée des Walkyries, c’est repris par la bande-son, ils font fuir les Russes du site minier et I fought the Law des Clash démarre en bande son : quand on prend cet épisode seul, on est vraiment dans le côté « wouuuuuhooou, Space Marines! ». Quand on ajoute les scènes en URSS où il fait toujours nuit, il pleut en permanence et les gentils astronautes sont enfermés, ça fait beaucoup.

Pour conclure : des thèmes intéressants, l’ère Reagan bien retranscrite à l’échelle de la saison, un final réussi, mais de vrais passages à vide dans le courant de la saison. Des arcs narratifs de certains persos trop étirés voire carrément inintéressants (Kelly et ses angoisses sur l’adoption reliée à rien du reste de la série, Karen et sa «  » »romance » » » avec un fasciste de la moitié de son âge). Le personnage d’Ed reste très intéressant en tant que cowboy/pilote de chasse coincé dans ses représentations des années 50’s, mais on aimerait quand même plus de développement intéressant d’exemples alternatifs d’astronautes avec de l’agency (parce que là Molly et Ellen ne le sont plus, Tracy, Gordo et Daniele subissent leurs arcs plus qu’ils ne les agissent (final excepté, et certes on voit un peu Tracy agir une fois qu’elle est sur la Lune – avant elle est surtout en train de vivre sa vie glamour loin de la Nasa). Les rôles d’administrateurs de Margo/Molly/Ellen sont intéressants par contre, mais bon moi je regarde cette série pour l’espace plus que pour les décisions administratives, tbh.

Saison 3 :

Une nouvelle ellipse de 10 ans, et on est dans les années 90s. Après les questions de guerre froide dans la saison précédente, c’est dans celle-ci la question de l’exploitation commerciale de l’espace qui commence à se poser, avec l’hôtel en orbite, puis avec la mission vers Mars financée par des fonds privés. J’ai globalement bien aimé la saison (épisode 1 excepté, où je trouvais tous les développements forts artificiels et enrichis au scénarium). Il y a quand même des lignes narratives un peu lentes : même si j’aime bien la conclusion de l’arc d’Ellen, toute les parties « discussions politiques dans le bureau Ovale » n’ont quand même pas grand intérêt, la série ne laisse pas assez de place aux développements politiques pour qu’on se sente impliqués (à la limite faudrait faire un spin-off qui suit l’administration présidentielle s’ils voulaient vraiment faire un truc bien). Les lignes narratives des deux frères Stevens me gavent un peu aussi, ils font des antagonistes trop caricaturaux ; le personnage d’Ed est quand même largement plus réussi en termes de finesse psychologique et de capacité à se comporter comme un connard en étant convaincu d’œuvrer pour le bien.
L’arc de Margo est très bien mené je trouve, avec l’alternance entre son point de vue et celui d’Aleida qui fonctionne bien. La mort de Molly est par contre assez anticlimatique, c’est dommage pour le personnage.

J’ai par contre beaucoup aimé le plot-twist de la fin du neuvième épisode, que j’avais pas du tout vu venir même si rétrospectivement il y avait des éléments qui donnaient des indices disséminés dans la saison. Par contre, beaucoup de coïncidences et de décisions sont de manière assez flagrante présentes uniquement parce qu’elles permettent de faire avancer l’intrigue dans le sens qui intéresse les scénaristes. Je trouve que c’est assez dommage, la progression du scénario avait l’air beaucoup moins artificielle dans les saisons précédentes.

En résumé, saison réussie, meilleure que la seconde à mes yeux. Par contre je me demande ce qu’ils vont faire dans la 4 ; notamment je m’attendais vraiment à la mort d’Ed dans cette saison, où c’était déjà assez peu réaliste qu’il soit autant présent.

Saison 4

Agréablement surpris, j’avoue que pour la quatrième saison je pensais qu’on aurait une baisse de qualité, mais franchement les enjeux fonctionnent pour la plupart assez bien. La mise en scène de la situation de Margo est réussie et les développements sur les coups de théâtre politiques lui apportent des enjeux crédibles.
Assez peu de trucs qui se passent vraiment dans l’espace finalement dans cette saison vu qu’une grosse partie de l’action est à la surface de Mars, mais ça marche bien, là où ça me frustrait dans les saisons précédentes.

La storyline sur le développement d’un prolétariat martien fonctionne bien au début, mais j’avoue être déçu sur la conclusion. Dev qui arrive, promet des trucs pour mettre fin à la grève et l’émeute finale là où un shutdown de la base par les travailleurs était de nouveau possible, ça aurait été plus intéressant. Mais on sent que même si la série tente, elle a du mal à se détacher d’une vision de l’Histoire basée sur les actions de quelques personnages clefs, avec une masse qui ne fait que réagir (même s’ils réussissent bien à caractériser pas mal des travailleurs d’Helios). C’est dommage que la décision de permettre le développement de Mars ne repose que sur quelques persos qui prennent des décisions dans leur coin, dont l’inévitable entrepreneur charismatique.

On aurait bien voulu voir un peu plus d’action de la part de persos qui étaient dans les autres nations du M7 que USA/Russie/Corée du Nord (au delà de quelques accents français et italiens un peu caricaturaux). Bon et faut vraiment faire mourir Ed, qui a clairement outlive son utilité narrative d’une saison, s’il était rigolo en début de saison, sur la fin c’était vraiment pas la personne la plus crédible pour porter les lignes narratives qu’il avait. Je n’ai pas été très convaincu non plus par tous les enjeux autour du discriminateur, qui fait vraiment dispositif artificiel pour rajouter de la tension (ça et les enjeux des lignes de codes à téléverser au dernier moment).
Mais franchement, très bon niveau pour une 4e saison, la série réussit bien à étendre ses enjeux et à montrer différentes phases d’une exploration spatiale s’étendant sur des décennies.

Une réflexion sur « For All Mankind, de Ronald D. Moore et Ben Nedivi »

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