Gravity, d’Alfonso Cuarón

Je suis allé voir Gravity au cinéma ce soir. J’ai trouvé le film très réussi avec malheureusement quelques passages très en dessous des autres qui gâchent l’impression d’ensemble. Pour pouvoir en discuter plus avant, je place ici une
Alertes aux Spoilers.

Déjà, je trouve que les émotions et l’état d’esprit de Ryan sont bien retransmis. Je suis allé voir le film assez fatigué donc j’étais émotionnellement réceptif, et j’étais vraiment en empathie avec le personnage. Le premier passage des débris, quand elle est arrimée au bras est une des scènes les plus éprouvantes que j’ai vu depuis longtemps au cinéma. Après ça résonne avec mes hantises personnelles (non, pas subir une pluie de shrapnels dans l’espace, être totalement impuissant à gérer une situation dangereuse), mais quand même. Son état de panique et son incapacité à réagir parce que la situation lui est totalement alien sont bien transmises, ainsi que sa nécessité d’avoir un repère extérieur (la voix de Matt) pour revenir à un mode de fonctionnement normal.
Je trouve aussi réussie l’illustration du fait qu’elle se repose entièrement sur Matt tant qu’il est là et que ce n’est qu’à sa mort qu’elle se met à prendre ses propres décisions. (Au passage, le personnage de Matt, s’il est amusant, aurait été parfaitement insupportable s’il avait été présent tout au long du film. Je suis bien plus intéressé par un personnage qui fait des erreurs et qui panique qu’un personnage imperturbable.)

Ce que je trouve en dessous en revanche c’est tout le passage de la communication radio avec la Terre, l’apparition du fantôme de Matt et les « dis à ma petite fille que je l’aime ». La situation est déjà désespérée, le personnage à moitié brisé et l’on comprend très bien toute l’horreur du truc, est-il vraiment nécessaire de vouloir forcer le sentiment comme ça ?
De plus cela fait disparaitre une bonne partie de l’impact la mort de Matt et de l’impression d’empowerement du personnage : au final son salut est mis en scène comme venant d’un personnage extérieur.

La symbolique de la re-naissance est joliment mise en scène (l’entrée dans l’ISS fait très « je flotte dans mon liquide amniotique » et la sortie du lac à la fin : « je sors de mon œuf de métal puis des eaux puis je me lève. » Je ne comprends pas trop ce panoramique qui balaie Ryan à ce moment par contre. Esthétiquement c’était assez moche et ça rappelle beaucoup le male gaze, même si le film n’est pas sexiste. Au passage, on peut noter que le film passe Bechdel Test grâce à la conversation avec la pilote de l’Explorer au début, et c’était assez agréable de regarder un film avec une scientifique compétente. On pourrait argumenter sur comment le film montre Ryan en train d’apprendre à s’émanciper du patriarcat, mais ce serait peut-être surinterpréter un peu.)

Esthétiquement, le film est très beau, la 3D est bien utilisée. Les passages en vue subjective sont bien utilisés. La bande-son est intéressante.

2 réflexions sur « Gravity, d’Alfonso Cuarón »

  1. Je réagis : en gros je suis d’accord avec tout sauf le fait d’être en empathie avec le personnage, ce qui gêne un peu.

    Être incapable de gérer une situation dangereuse ne fait pas trop partie de mes hantises (les situations « temps réel » où on n’a pas le temps de réfléchir étant quelque chose que je fuis activement, les chances que ça m’arrive accidentellement me semblent faibles), donc le fait de paniquer n’est pas quelque chose auquel je parviens à m’identifier. Dans ces conditions, écouter Ryan hyperventiler pendant de longues minutes et faire des conneries n’est pas quelque chose qui me touche beaucoup. Mon désintérêt pour le fonctionnement émotionnel de Ryan est sans doute aggravé par le fait que la structure du film ne permet pas vraiment de lui donner de profondeur : essentiellement aucun contexte, aucun flashback ou retour à la Terre, etc., juste quelques indices vagues sur comment elle a perdu une fille, mais ça me semble bien générique… et du reste le personnage est seul la plupart du temps, ce qui n’aide rien, même si le mécanisme narratif des appels radio « in the blind » mitige un peu la diffficulté.

    J’aurais peut-être été plus intéressé par une variante plus Primer-esque où le focus n’est pas sur les difficultés humaines du personnage mais sur son inventivité pour se sortir de la situation merdique. (Là, Ryan ne fait que suivre ce qu’on lui a dit de faire, à part l’idée de propulser le Soyuz mais qui est présentée comme si Matt lui avait soufflée ; on ne la voit pas vraiment réfléchir, se documenter, on la voit au contraire se plaindre au fantôme de Matt qu’elle a « tout essayé » pour faire partir le Soyuz alors qu’elle n’a précisément rien essayé à part faire le truc évident puis désespérer après). Après, je dis ça mais je doute que ça réussirait vraiment (de la même façon que Primer est un film peu regardable en pratique).

    Ça m’a aussi agacé que Matt meure pour des raisons essentiellement incompréhensibles : une fois Ryan et Matt immobiles par rapport à la station, pourquoi diable prétend-il qu’il est en train d’entraîner Ryan vers l’extérieur ? Qu’on veuille mettre ce genre de sacrifice héroïque dans le script, pourquoi pas, mais dans ce cas autant qu’il ait lieu pour des raisons crédibles…

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