Archives par mot-clé : roman français

Ta promesse, de Camille Laurens

Roman français paru en 2025. Claire Lancel est une écrivaine connue. Elle commence ube relation amoureuse avec Gilles Fabian, metteur en scène de théâtre de marionnettes. Ce qui commence comme une romance parfaite se révèle être du lovebombing : Claire est tombée sur un pervers narcissique, et la mécanique de l’emprise va se mettre en place progressivement, jusqu’à un évènement qui va conduire à un procès, durant les préparatifs duquel la narration se déroule : on assisté aux échanges de Claire avec son avocate et de plusieurs témoins avec le juge ou le substitut du procureur.

C’était pas mal. Ya un petit côté « l’emprise chez les riches » parce que tous les personnages ont un gros capital culturel et pour certains un gros capital financier aussi, mais l’histoire est prenante et bien racontée, le côté autofiction et mise en abyme par Claire de sa situation rajoute une couche de meta.

Les Vivants, d’Ambre Chalumeau

Roman français de 2025. Un trio d’ami.es, Simon, Diane et Cora, viennent de finir le lycée. Juste avant la rentrée, Simon est hospitalisé : atteint par un virus rare, il est tombé dans le coma. On va suivre sur l’année les vies de Diane et Cora (et de la famille de Simon) en réaction à cet événement et au reste de leur vie qui continue de se dérouler. On va aussi voir l’historique de la relation entre les trois ami.es, leurs traumas, leurs secrets.

C’était pas désagréable mais ça manquait un peu de matière. C’est très didactique comme roman, et y’a un peu la tentation de la punchline qui ruine l’immersion, j’ai trouvé.

Changer l’eau des fleurs, de Valérie Perrin

Roman français publié en 2019. Violette Trenet est gardienne de cimetière, complètement convaincue par le côté humain et le jardinage impliqués par son métier. Elle a un passé compliqué qui est révélé progressivement, avant d’arriver dans le bonheur simple qu’elle connaît actuellement. C’est un roman à la Anna Gavalda ou Muriel Barbery : ça se lit facilement, on a envie de voir comment ça se déroule et résout, mais bon c’est un peu creux. Les personnages sont gentils, la vie les a cabossés mais y’a un happy-ending, les métaphores sont faciles, ça entremêle plusieurs histoires de relations romantiques, avec éventuellement des rebondissements, mais je trouve tous les persos très unidimensionnels.

Pas convaincu, lisez Âge tendre plutôt.

L’Origine des Larmes, de Jean-Paul Dubois

Roman français de 2024. Lors de sessions de psychothérapie prescrites dans le cadre d’une obligation de soins, Paul raconte à son psy sa relation avec son père, qu’il considère comme l’incarnation du mal, et comment les actes de ce père l’on conduit à lui tirer dessus… après sa mort. Le livre se passe en 2031, dans un Toulouse où le changement climatique a mené à des pluies persistantes, mais ce n’est pas de la SF pour autant, les pluies sont plus le reflet de l’état intérieur du personnage. On suit la jeunesse, l’adolescence et l’âge adulte de Paul, et les diverses actions de son père, qui sont à chaque fois d’une méchanceté mesquine : ce n’est jamais en mode génie du mal, mais c’est toujours de la cruauté gratuite envers Paul, sa mère ou des gens randoms, une vie au service de la banalité du mal et à se faire du fric avec des combines minables à base de médicaments périmés revendus sous le manteau. Paul en ressort bien dysfonctionnel mais attachant, travaillant dans l’entreprise maternelle de housses mortuaires et ayant pour seules relations affectives des chiens.

Le roman était sympa, mais je n’ai pas été transporté non plus.

Les Louves, de Boileau-Narcejac

Roman policier français paru en 1955. Gervais s’échappe avec Bernard d’un stalag allemand. Ils ont pour projet de se cacher à Lyon chez la marraine de guerre de Bernard, mais celui-ci est tué au dernier moment. Gervais se fait alors passer pour Bernard auprès d’Hélène (la marraine de guerre) et c’est ainsi que commence un jeu de dupes entre lui, Hélène, Agnès (la sœur d’Hélène) et Julia la sœur de Bernard.

J’ai bien aimé. C’est du roman noir à l’ancienne avec de la tension psychologique et des personnages tous un peu horribles. Le point de vue du roman est celui de Gervais, mais avec une distanciation qui montre bien qu’il se trouve des excuses pour toutes les saletés qu’il a pu faire et qu’il se considère comme moralement au dessus de tout le monde (essentiellement parce qu’il vient d’une famille bourgeoise et qu’il a eu une éducation classique), alors qu’il est exactement au même niveau moral que les autres personnages.

Terrasses, de Laurent Gaudé

Court roman de 2024, qui revient sur les attentats du 13 novembre 2015.

Gaudé écrit très bien, toute la première partie prend aux tripes (sur les journées qui se déroulent sans conscience du drame qui approche, sur les premières attaques) et fait pleurer.

Je suis plus réservé sur la fin, à la fois certains points de la ligne narrative des deux amoureuses (je vois l’idée d’avoir mis en scène un couple lesbien, mais y’a un côté « tragic lesbians », et autant le versant « attirance romantique » de la relation me semble bien écrite, autant le versant « attirance sexuelle » je suis moins convaincu), et tout le côté « on montrera qu’on a vaincu en retournant en terrasse », qui me semblait débile à l’époque et me semble débile maintenant. Néanmoins globalement ça vaut le coup de le lire, comme beaucoup de Gaudé.

Naissance d’un pont, de Maylis de Kerangal

Roman français paru en 2010. On suit la construction d’un pont de nos jours dans la ville de Coca, dans l’arrière pays californien. On adopte le point de vue de l’ingénieur en charge de la construction, de certains ouvriers et cadres du chantier, du maire qui l’a voulu, on fait un détour par l’histoire de la ville et les tractations de certains notables inquiets que le pont bouleverse leurs rentes de situations.

J’ai bien aimé, le style de Maylis de Kerangal fonctionne bien avec ce genre de sujet (et puis c’est un bouquin pour les gens qui aiment bien les grosses constructions, je me sentais dans le cœur de cible).

Les derniers jours du parti socialiste, d’Aurélien Bellanger

Roman français paru en 2024. Aurélien Bellanger retrace une version fictionnalisée de la création du Printemps Républicain, renommé le mouvement du 9 décembre dans son ouvrage. On suit en parallèle les vies de Grémond (inspiré de Laurent Bouvet), Taillevent (Enthoven) et Frayère (Onfray). On croise pas mal d’autres personnages plus ou moins fictifs (le Président de la République, Sauveterre – avatar de Bellanger, Belgrand (anciennement apparu dans Le Grand Paris – ça me réjouit qu’il existe officiellement un Bellanger Extended Universe).

C’est intéressant de lire un truc qui parle du Printemps Républicain et j’attendais la sortie avec impatience, mais vu que le roman est raconté du pt de vue intérieur de personnages assez peu sympathiques (y’a de la distanciation évidemment, mais c’est du 4e degré), faut quand même s’accrocher. C’était intéressant à lire, mais pas forcément son plus réussi, on est un peu trop le nez sur des événements (et les envolés lyriques de Bouvet ou Blanquer sur la laïcité, c’est quand même pas le sujet le plus passionnant du monde).

Après ce qui est trippant c’est évidemment la réception du bouquin, notamment avec Enthoven qui dit que c’est n’importe quoi parce que la date donnée dans le bouquin pour sa rencontre avec Onfray c’est la date à laquelle ils ont arrêté de se parler, ce qui prouve bien que Bellanger a tout inventé – il est à deux doigts de découvrir le concept de fiction, c’est touchant.

Un passage assez marrant où Sauveterre est invité à l’Élysée pour s’entretenir avec le président et envisage de le tuer avec la fourchette du dîner, avant de s’apercevoir que vu l’heure il n’est pas invité à dîner et que la pièce est donc « dépouillée de tout ces imaginatifs couverts ».

Pour celleux qui aiment déjà Bellanger (ou qui détestent déjà le Printemps Républicain, ça marche aussi).

Paresse pour tous, d’Hadrien Klent

Je n’avais pas été fan de La Grande Panne, du même auteur, mais j’ai bien aimé ce livre-ci. En 2020, alors que la France se déconfine, Émilien Long, prix Nobel d’économie, publie un ouvrage intitulé Le Droit à la paresse au XXIe (toute ressemblance avec un titre de Piketty est volontaire), démontrant qu’il serait possible de passer à une semaine de travail de 15h sans perdre en niveau de vie, en mettant en œuvre un programme de redistribution de la plus-value du travail plutôt que de la laisser capter par le Capital.

Émilien va fédérer une équipe atypique autour de lui, qui va construire sa campagne présidentielle pour porter cette thématique révolutionnaire à l’élection de 2022. Mais se lancer dans une campagne présidentielle, c’est travailler bien plus que 3h par jour, et si le thème l’enthousiasme, Émilien n’est pas sûr de vouloir s’engouffrer dans une aventure aussi prenante…

Ça se lit vite, et la forme romancée marche bien pour faire avancer la thèse de l’auteur. Il n’y a pas de grande démonstration chiffrée de la réalité de la possibilité d’arriver à ce chiffre de 15h précisément, mais on sent que la proposition d’une réduction massive du temps de travail n’est pas faite dans le vide non plus. L’ancrage dans la vie politique réelle fonctionne bien. Elisabeth Crayeville en ministre de l’économie macroniste, fusion de plusieurs macronistes réel.les est assez réussie. Le roman retranscrit bien le côté peace de l’équipe de campagne et de son héros, on a envie d’y croire (bon, ça fait un peu l’impasse sur le paysage médiatique français d’extrême-droite les médias ici c’est Le Monde, YouTube et un présentateur de JT d’une grande chaine hertzienne qui s’est installé à la campagne, c’est plutôt bienveillant (les plus pugnaces à la limite c’est l’interview improbable par un quatuor CQFD/Lundi Matin/Pièces et Mains d’Oeuvre/Panthère Première).

Recommandé pour un truc politico-peace.

Âge Tendre, de Clémentine Beauvais

Roman français publié en 2020. Dans un futur proche, la France a mis en place un stage dans le monde du travail d’un an entre la troisième et la seconde, le service civique, ou « serci ». Le roman est composé du rapport de stage de Valentin Lemonnier, albigeois introverti envoyé travailler à Boulogne-sur-mer dans une unité Mnémosyne, une maison de retraite médicalisé qui recrée l’environnement de la jeunesse des pensionnaires. Sur place, il va découvrir la discographie de Françoise Hardy, la vie en colocation, les responsabilités professionnelles et les zones grises dans les relations interpersonnelles. Ce qui devait être un rapport de 30 pages va en devenir un de 250 pages, qui raconte dans le détail son évolution au cours de l’année.

J’ai beaucoup aimé. La forme du rapport de stage est bien retranscrite, et le fait de dire que le rédacteur du rapport doit intégrer des notes rétrospectives permet d’avoir une distanciation dans l’écriture assez intéressante. La révélation progressive de l’histoire de Sola est très bien faite. Le roman est globalement très bienveillant avec ses personnages, c’est très sympa à lire.

Je recommande.