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Mad Max: Fury Road, de George Miller

Je suis allé voir ce film le jour de sa sortie, alléché par sa bande annonce. Je n’ai pas été déçu :)
Il s’agit d’un film d’action de George Miller, définissable comme « post-apocalyptique et dieselpunk », ce qui veut dire qu’il prend place dans un monde dévasté (catastrophes environnementales) et où la technologie toute entière est orientée vers les engins à combustion. L’univers de Mad Max semble avoir divergé du notre quelque part dans les années 70/80 (à l’époque des premiers films de la série, donc).
Le personnage titre, Max n’est pas ici le héros mais juste le point de vue que l’on adopte. L’héroïne du film est Furiosa, une femme au service d’un seigneur de guerre local qui décide de se rebeller contre son pouvoir et d’aider ses esclaves sexuelles à s’échapper vers une utopie matriarchique. Dans un monde parfait, Mad Max ne serait pas un film féministe. Ce serait un film d’action avec une héroïne. Mais dans le monde réel, le fait de présenter une femme comme une héroïne prête à se battre à égal avec des hommes, décidée à mettre fin à l’exploitation d’autres femmes et s’appuyant pour ça sur une bande de bikeuses, est clairement un acte féministe. Ce qui est un excellent point en faveur de Mad Max.
À part ça, le film est visuellement splendide : les couleurs sont sursaturées, les véhicules créés pour le film sont magnifiques et inventifs (sérieusement, bosser comme accessoiriste sur ce tournage ça se rapproche très fortement de mon job idéal). J’ai aussi trouvé très réussie la mise en scène d’un monde dont le système de valeurs et de croyance est très éloigné du notre, avec des croyances organisées autour de la vitesse, de la mécanique, de la rareté (un détail brillant pour l’exemple : au début du film, les méchants utilisent Max comme banque de sang, et lui tatouent son groupe sanguin et son indice d’octane, supposé représenter son agressivité, passée avec son sang à ceux qui sont transfusés. Ça montre d’un seul coup le culte de la voiture et l’abandon des connaissances scientifiques). (Les valeurs restent cependant très proches sur certains points, pas besoin d’aller voir une dystopie au cinéma pour trouver des connards qui considèrent que les autres gens sont leur propriété).
Je trouve aussi que Tom Hardy est très bon pour jouer le personnage complètement incapable de communiquer, hanté par ce qu’il considère comme ses échecs passés. Le scénario peut être décrit en deux phrases, par contre : « Course poursuite dans le désert. Les gentils fuient puis affrontent les méchants. » et les dialogues sont parfois absurdes et grandiloquents, mais clairement pas plus que dans n’importe quel autre film d’action (I’m looking at you, Die Hard).

EDIT: comme le fait remarquer un tumblr que je suis, la musique est aussi vachement bien.

Le goût de l’essence.

L’avantage quand vous enchainez les infortunes, c’est que vous pouvez blogguer sur une base quotidienne. Oh, bien entendu cela présuppose d’avoir un blog, mais c’est mon cas, comme vous avez pu le remarquer.

Nous étions donc sur la superhighway qui relie le cœur de Nairobi à Thikka (et passe incidemment par la banlieue où se trouve l’ICIPE). Janis Joplin conduisait, je regardais devant moi en résolvant des équations à dix-huit inconnues dans ma tête. Nous passons un dos d’âne (oui, il y a des dos d’âne sur la superhighway, avant les passages piétons. Mais ils sont en train d’installer des passerelles aériennes et de retirer les dos d’âne). Nous passons un dos d’âne, écrivais-je, quand soudain, plus de reprise, l’accélérateur s’enfonce à vide. le dialogue suivant s’ensuit
« On avance plus, on fait quoi ?
-Euh…
-Je continue, je sors ?
-Bah sors quand même. Et mets les warnings.
-Oh putain. »
Les ancêtres étant avec nous, nous étions devant une pente descendante. Avec l’élan et une bénédiction divine, nous avons traversé les trois voies, visé la sortie, remonté un petit bout de pente, puis stoppé sur la sortie. Janis sort mettre le triangle, j’éteins l’autoradio qui fournissait une bande son un peu trop joyeuse pour les circonstances. Elle tente de redémarrer, miracle. on récupère le triangle, on fait deux cent mêtres, le moteur se rééteint au milieu d’un rond point. Entre temps nous avons appelé Han Solo (le chauffeur de notre patron Babar, il faut suivre) pour lui faire part de nos tourments.
« It must be the gas, try putting some and call me back. », déclare-t-il, visiblement pas plus troublé que ça. Là, il faut que je précise que la jauge de notre voiture ne fonctionne pas. Nous nous basons sur le kilométrage pour estimer notre consommation. Le kilométrage affirmait que nous étions encore large. Le kilométrage est de toute évidence un sale menteur.
Re triangle, on garde les warnings allumés. À quatre cent mètres de l’autre coté du rond point, l’on peut apercevoir la coquille Shell qui dépasse des toits. Je sors, traverse le rond-point et arrive à la station, ou j’explique dans un anglais impeccable mais essouflé que l’on est tombé en panne d’essence et que l’on serait bien aimable de me vendre de l’essence et préter un conteneur. Le pompiste récupère un vieux bidon d’huile, le nettoie et le remplit. Je repart avec mon carburant tenu à bout de bras, au vu de son état de saleté extérieure. Des pensées de bonzes tibétains qui s’immolent par le feu me traversent l’esprit. J’arrive à la voiture, tente de verser le liquide dans le réservoir, la moitié part sur le sol. Je récupère un tuyau dans le coffre (bénie soit la Science et ses instruments étranges partout transportés), j’improvise un siphon. L’essence m’emplit la bouche, le goût refuse de partir. Mais le réservoir se remplit ; assez pour repartir, rouler jusqu’à la station. Un plein, nous voila de nouveau sur la route, puis à l’ICIPE, ou la cantine me débarrasse enfin du film liquide qui tapisse mes muqueuses.