Archives par mot-clé : contes de fées

Children of Memory, d’Adrian Tchaikovsky

Troisième tome dans la trilogie Children of, après Children of Time et Children of Ruin. On retrouve notre civilisation interespèces composée d’Humain.es, de Portides, de Céphalopodes et de microbiote Nodien (si vous ne comprenez rien, lisez les deux tomes précédents !), ou plutôt l’équipage d’un vaisseau d’exploration issue de cette civilisation (globalement ce roman va resserrer le cadre à quelques personnages, on est loin de la dimension space opera des deux tomes précédents), qui va visiter deux planètes qui faisaient partie des projets de terraformation de l’Ancien Empire Terrien : Rourke, puis Imir. Sur la première, une nouvelle espèce dont l’intelligence fonctionne seulement par paires d’individus hyperspécialisés, sur la seconde une colonie d’humain.es isolés, issu.es d’un vaisseau-arche mais dont la technologie a régressé et dont le monde est au bord de l’effondrement écologique (voire, l’a franchi et court dans le vide) et aux abois. Une mission d’observation va s’infiltrer dans la colonie pour déterminer selon quelles modalités le premier contact serait possible avec cette civilisation post-spatiale qui s’imagine un ennemi de l’intérieur au fur et à mesure que ses conditions de vie empirent. Dans cette situation on suit notamment Liff, enfant dont les souvenirs semblent contradictoires entre eux ou directement sortis de son livre de contes, ce qui laisse planer quelques interrogations sur les mécanismes de ce qui se trame sur Imir…

J’ai vu pas mal de critiques négatives sur internet, mais perso j’ai bien aimé. C’est pas au niveau de Children of Time, mais pour moi ça vaut Children of Ruin, juste pas du tout dans le même style space opera. Il y a quelques longueurs, mais la narration avec des aller-retours dans le temps fonctionne bien pour moi. Le côté conte de Grimm et la perception de certains membres de la civilisation interespèces par le regard d’une enfant humaine « à l’ancienne » marche plutôt bien (Avrana Kern en sorcière ou « Paul et ses enfants », c’est limite une fanfic de l’univers déployé jusqu’ici par l’auteur), et rejoint ce que Tchaikovsky avait fait dans Elder Race. Les questionnements sur l’identité déployés par l’auteur avec les différentes versions de Miranda (et de Kern dans une moindre mesure) fonctionnent bien pour moi (ceux sur la conscience aussi, mais c’était déjà le cœur des deux tomes précédents, c’est pas la nouveauté ici).

Recommandé.

Anora, de Sean Baker

Film étatsunien paru en 2024. Ani travaille dans un club de striptease. Elle y fait la rencontre d’un riche héritier russe, Ivan, qui lui demande de venir chez lui. Ivan est incroyablement riche et a tout juste 21 ans, il est trop content de pouvoir coucher avec Ani. Il va l’entraîner dans sa vie hédonistique et lors d’une virée à Las Vegas, lui demander de l’épouser. Mais lorsque la nouvelle de ce mariage parvient aux parents d’Ivan en Russie, ceux-ci sifflent la fin de la récréation pour leur fils. Ani va se retrouver confrontée aux hommes de main des parents, qui vont la forcer à les accompagner à travers New York pour retrouver un Ivan qui a disparu à l’annonce de l’arrivée de ses parents aux États-Unis.

Globalement c’est un conte de fées inversé qui rencontre un film de mafia : Ani, même si elle est réaliste sur le monde, pense avoir trouvé le prince charmant qui va lui faire accéder au monde des ultra-riches (elle cite explicitement Cendrillon quand elle mentionne vouloir faire sa lune de miel à Disneyworld). Mais Ivan va se révéler sacrément défaillant, il est effectivement le prince héritier d’un royaume mafieux, mais qui fuit ses responsabilités. C’est elle qui va devoir errer à travers le pays (=Manhattan) à la recherche du prince soudainement disparu et qu’elle retrouvera sous l’emprise d’un mauvais sort (=totalement torché). C’est lui qui dispose de 3 fées-marraines, sous la forme de Toros, Garnik et Igor (et je pense que c’est tout à fait volontaire de la part de Sean Baker de nous faire rencontrer initialement Toros pendant qu’il a le rôle de parrain lors d’un baptême : c’est à la fois un parrain au sens mafieux du terme et au sens du conte de fée). On a même le carosse qui se change en citrouille avec le vol à Las Vegas en jet privé à l’aller, en classe économie au retour.

Et pendant qu’Ani se croit dans ce narratif de conte de fée, les trois parrains qui l’accompagnent eux savent très bien qu’ils sont dans un film de mafia : ils ignorent les règles, agressent les gens, utilisent la force pour arriver à leurs fins. Ça reste un film « comique » : on est pas sur de la mafia ultraviolente, et ils ont un petit air de pieds nickelés dans leur recherche d’Ivan. Mais le décalage des tons peut être malaisant : ce que Ani vit – à juste titre – comme une agression quand Igor l’empêche de partir et la ligote, pour lui c’est un mardi ordinaire dans les conventions de son monde, et il ne comprend pas qu’Ani soit traumatisée.

Globalement j’ai bien aimé, y’a de la nudité féminine assez gratuite (certes ça commence dans un club de strip-tease, mais il pourrait y avoir la nudité d’Ivan qui contrebalancerait, hors on ne voit qu’Ani nue), mais sinon c’était globalement bien – peut-être un petit peu long – et c’était très bien filmé.

Disenchanted, d’Adam Shankman

Film Disney de 2022, suite d’Enchanted, et clairement pas à la hauteur du premier opus. On est quelques années plus tard (la chronologie n’est pas très claire, la gamine du premier étant devenue une ado, il y a clairement moins de 15 ans qui se sont écoulés), la vie newyorkaise est devenue compliquée pour Giselle et Robert. Ils décident de déménager en banlieue (la banlieue US, donc des pavillons), et atterrissent à Monroeville. Là Giselle utiliser une baguette magique pour souhaiter vivre dans un conte de fées de nouveau, changeant toute la ville, mais se projetant accidentellement dans le rôle de la méchante belle-mère (étant de facto une belle-mère, elle est obligée de se conformer à l’archétype si c’est un conte de fée).

Le pitch était intéressant mais la réalisation laisse clairement à désirer. Les chansons sont assez faiblardes (ils ont filé une chanson perrave à Idina Menzel, faut quand même pas être très malin), l’animation des parties animées est ratée, les effets spéciaux des parties filmées sont pas très convaincants, la storyline de Robert et de la partie animée est plus qu’anecdotique. Quelques points réussis cependant : la conte-de-féification de Monroe est bien rendue, avec notamment le numéro musical avec les ustensiles culinaires lors du premier matin. La chanson duo des deux méchantes est sympa aussi (mais je pense que musicalement, elle n’est pas incroyable dans l’absolu, c’est juste que les autres sont vraiment sans aucun intérêt), les deux actrices étant à fond durant le numéro.

Globalement, une suite qui rate son point et souffre de son budget, je pense.

Enchanted, de Kevin Lima

Film des studios Disney paru en 2007. Une princesse de conte de fées se retrouve projetée à New York par le pouvoir d’un sortilège. Son prince va tenter de la retrouver, pendant ce temps elle découvre le fonctionnement d’un monde fortement différent du sien, et rencontre un charmant avocat qui élève seul sa fille.

J’étais agréablement surpris ; pour un film Disney qui mélange comédie romantique et pseudos conte de fée, l’œuvre connaît très bien ses tropes et joue très bien avec. J’ai quelques questions sur pourquoi la magie fonctionne dans notre univers pour les personnages de l’univers des contes de fée, mais rien qui n’empêche de profiter du film. Les personnages ont aussi une tendance à se téléporter et à se débrouiller pour être au bon endroit au bon moment pour mettre en place leurs plans (surtout l’homme de main de la grande méchante), mais c’est assez assumé je pense en termes de conventions narratives. Pour le reste, c’était sympa, peut-être qu’il y aurait eu moyen de subvertir davantage le concept de True Love’s Kiss, mais sinon ça réussit bien son trip de comédie romantique.

Bonne surprise.