Le Sommet des Dieux, de Patrick Imbert

Film d’animation de 2021, adaptation du manga éponyme de Jiro Taniguchi. On suit Fukamachi, un journaliste japonais qui enquête sur Abu, ancienne étoile montante de l’alpinisme disparu des radars depuis plusieurs années. Fukamachi pense qu’Abu a récupéré l’appareil photo de Mallory, un anglais disparu sur l’Everest dans les années 20, et qui aurait pu potentiellement atteindre le sommet. D’abord intéressé par l’appareil photo, Fukamachi va aussi être fasciné par la vie d’Abu, son intransigeance par rapport à l’alpinisme et sa tentative de faire vaincre l’Everest en hivernal par une face complexe et sans oxygène.

J’ai bien aimé, comme j’avais bien aimé le manga, mais je pense que j’ai moins pris une claque sur les visuels qu’avec le manga, paradoxalement. L’histoire est aussi resserrée, on a moins la progression lente dans l’enquête de Fukamachi qu’on avait dans le manga. Mais les couleurs sont belles et la musique est réussie.

Mad God, de Phil Tippett

Film d’animation expérimental paru en 2021. Plusieurs techniques d’animation sont utilisées pour raconter la descente de plusieurs explorateurs toujours plus profondément au sein d’une cité esclavagiste, de paysages pourrissants, d’une guerre nucléaire, …

C’est très bien réalisé, mais c’est fort sombre. Il n’y a pas vraiment de paroles, et c’est dystopie sur dystopie, avec cet enfoncement toujours plus profond fort symbolique, ça fait très représentation d’un bad trip. En même temps le medium de l’animation rajoute une distance qui fait que ce n’est pas insoutenable à regarder malgré la noirceur du propos.

Intéressant pour le côté expérimental.

Plan 75, de Chie Hayakawa

Film japonais paru en 2022. À 20 secondes dans le futur, le Japon a adopté une loi, le Plan 75, permettant aux personnes de plus de 75 ans de se faire euthanasier, pour lutter contre le vieillissement de la population. En échange de cet acte citoyen, les volontaires reçoivent 100 000 yens (~800€), leur permettant de financer leurs obsèques, de s’offrir un restau ou un hôtel pour leurs dernier jours. On suit plusieurs point de vue, un jeune cadre du Plan 75, deux travailleuses, une dans un centre d’euthanasie et une à la hotline du Plan, et quelques candidat.e.s au Plan.

J’ai beaucoup aimé. Le film montre très bien comment il s’agit d’une politique classiste, visant à littéralement tuer les plus pauvres (le Japon ayant un système de retraite merdique, on suit notamment un groupe de femmes de ménage qui travaillent encore à 75 ans révolus), avec des incitations à s’inscrire au plan dans les soupes populaires, les agences d’aide sociale… C’est aussi très bien filmé en terme de mise en scène des plans, jeux sur la profondeur de champ, scènes qui s’attardent sur des détails comme une branche d’arbre ou de la neige qui fond sur un pare-brise. Très bonne surprise.

American Hippo, de Sarah Galey

Deux novellas uchroniques états-unienne, paru en 2017 (River of Teeth et Taste of Marrow). Les États-Unis ont introduit des hippopotames en Louisiane pour en faire une source de viande. Des ranchs se sont créés, centrés autour des zones marécageuses. Toute une économie similaire à celle des troupeaux bovins et des cow-boys dans les Grandes Plaines s’est développée. Mais sur une portion du Mississipi, une population d’hippos sauvages échappés des ranchs règne sur les marais. Et les hippos étant des créatures dangereuses et vicieuses, c’est quelque peu un problème. Une équipe de hoppers (=des cowboys d’hippos) est engagée pour nettoyer la zone en sortant les hippos pour les amener sur la côte. Mais rien ne va se passer comme prévu.

C’était agréable à lire mais sans trop de fond. C’était trippant d’avoir tout ce délire sur les hippos américains, c’est un setup d’uchronie original, mais ça fait juste deux novellas marrante, j’ai pas trouvé le fond de l’histoire ou les personnages plus notables que ça.

L’Astronaute, de Nicolas Giraud

Film français de 2023, vu en avant-première au festival des Œillades. Jim Desforges est un ingénieur en aéronautique chez Ariane. Il a candidaté pour être astronaute en 2009, mais a été classé 3e : non sélectionné. Il est cependant resté obsédé par l’idée d’aller dans l’espace, et détourne des pièces au boulot pour construire dans une grange sa propre fusée, avec l’objectif de réaliser le premier vol spatial amateur. Une reproduction du vol de Leonov, un tour de la terre et une sortie extra-véhiculaire. Pour ce faire, il va s’entourer d’un ami chimiste, d’un ancien astronaute, d’une mathématicienne et de sa grand-mère.

Sans être révolutionnaire, c’était plutôt sympa. Les rôles féminins ne sont pas très développés, c’est un film qui se concentre sur les personnages masculins, en mode « des mecs à l’ancienne », ie des ingénieurs ou geeks taiseux, obsédés par un projet particulier. Mais dans ce créneau ça marche bien. On a plein de plans sur les pièces de la fusée en train d’être construite, un convoi exceptionnel, le lever de la fusée à la grue : plein de scène bien filmées qui parlent totalement aux amateurs de grosses machines (oui, j’étais pas mal dans le cœur de cible, je pense). La photographie, notamment des scènes de nuit ou dans la montagne est bien réussie.

Goliath, de Frédéric Tellier

Film français sorti en 2022 et inspiré des Monsanto Papers. On suit en parallèle une prof de sport et militante du sud de la france, un avocat spécialisé en droit environnemental et un lobbyiste pour une firme du secteur agrochimique, dont les parcours s’entrecroisent autour de la tétrazine, un pesticide imaginaire dont le renouvellement de l’autorisation d’usage au niveau de la Commission Européenne est imminent. Le film met en scène les tentatives d’opposition – par le droit pour l’avocat, par la désobéissance civile et l’activisme pour la militante – à ce renouvellement, et la disproportion des moyens entre leur action et celle des lobbyistes, qui invitent les sénateurs et ministres français à déjeuner, lancent des campagnes de trollage et d’influence sur internet, montent des dossiers sur les opposants, payent des médecins pour intervenir en leur faveur dans les médias…

C’est un peu long par moment mais j’ai bien aimé. Pierre Niney joue très bien le lobbyiste sûr de lui et parfaitement à l’aise dans sa vie de grand bourgeois au cœur du système.

1899, de Baran bo Odar

Série à mystères de 2022, par les créateurs de Dark. En 1899, le Kerberos traverse l’Atlantique de l’Europe aux États-Unis, emportant avec lui des passagers de plein de nationalités et classes sociales différentes. Au milieu de l’océan, ils reçoivent un signal de détresse du Prometheus, un navire de la même compagnie disparu en mer depuis 4 mois, et à partir de là, les événements mystérieux vont s’enchaîner…

Sur le papier, il y avait beaucoup d’éléments pour me plaire. J’avais aimé Dark, j’aime beaucoup les histoires qui se passent sur des bateaux (The Terror saison 1 : <3), le plurilinguisme, le côté « grande énigme conceptuelle ». Mais … non. On sent qu’il y a des moyens, de l’ambition, et c’est d’autant plus frustrant de faire un truc qui tombe à plat comme ça.

Le scénario, pour commencer. Dès le début, on sait qu’il y plus que les apparences : on a des flash-back de la vie des personnages, l’héroïne accuse son père de cacher quelque choses sur les bateaux, une voix murmure « Wake up » à la fin de chaque flash-back avant que les gens ne se réveillent sur le bateau. La musique est électronique, il y a des espèces de glitchs (volontaires) dans l’image. Tout nous oriente vers le fait que c’est pas un bateau normal, les transitions en glitchs indiquent que le niveau technologique de l’univers mis en scène par la série n’est pas celui d’un paquebot de la fin du XIXe siècle. C’est un peu dommage d’orienter les choses si tôt sur un mystère technologique alors qu’on aurait pu pencher vers du surnaturel, mais ok.
Sauf que le fait d’orienter tout vers « il y a quelque chose de plus que les apparences » sert visiblement de prétexte pour ne pas du tout développer correctement les histoires des personnages sur le bateau. Entre le couple français malheureux, la mère maquerelle, le couple gay qui fait semblant d’être des frères, c’est le festival du cliché (où est la finesse d’écriture des premières saisons de Dark ?).

Les dialogues sont ineptes, et le plurilinguisme est utilisé totalement à contre-emploi. Pour moi, il aurait fallu avoir des enjeux de compréhension entre les personnages, des questions de ponts entre deux groupes de personnes ne parlant pas la même langue, avec la question de la confiance que l’on peut accorder au traducteur. A la place, on a des personnages qui monologuent devant d’autres gens qui ne peuvent clairement pas les comprendre mais les laissent parler seuls pendant trois plombes, et des éléments de compréhension qui passent sans qu’on sache pourquoi. Aussi, les sous-titres ne sont absolument pas fidèles à ce que disent les personnages, c’est assez nul.

On a des tropes tout pétés : explorons ces corridors plongés dans l’obscurité avec juste une petite lanterne, et faisons donc deux groupes de deux, puis deux groupes de un ! Please. Trouvons une backstory tragique à cette meuf : oh, un viol random ! FFS.
On a aussi plein d’éléments qui sont là pour faire comprendre au spectateur qu’il y a un mystère global, sans être perçus par les persos dans l’univers : pourquoi le symbole de la compagnie maritime se retrouve sur un kimono, sur des boucles d’oreilles et un peigne à cheveux ? Pourquoi les blessures au visage d’un des marins ne se referment jamais ? Osef, c’est mystérieux.

Dans le genre « détail qui a l’air d’avoir été décidé par un comité exécutif plutôt que par des scénaristes », on a aussi le fait que chaque épisode finisse sur une chanson de rock plutôt connue. De la façon dont c’est fait, ça donne vraiment l’impression que c’est « bon, ça a marché en termes d’impacts dans d’autres shows, donc faut le faire dans celui-là ». Ça n’accompagne pas correctement les événements, ça fait pas un thème qui revient mais juste un one-shot de « on a les droits pour ce hit, on le place ».

Bon, que reste-t-il quand même dans ce naufrage ? Les acteurs principaux jouent bien, dans la limite de ce que leur permet le script. L’histoire globale aborde des thèmes intéressants (mémoire, simulation, souvenirs implantés, gestion du trauma (évoqué plus qu’abordé pour ce dernier). Les décors sont beaux, avec de jolies idées (le cimetière de bateaux notamment). Quand le scénario arrête de vouloir se focaliser sur des personnages et leur passé sans que ça n’ait d’influence sur le déroulement global de l’histoire (après 6,5 épisodes sur 8 environ) et qu’on se consacre vraiment à avoir des révélations sur ce que ça cache, ça devient un peu cool. On a la phrase « he hacked into the mainframe! » qui personnellement m’a fait beaucoup rire (même si bon, au moment où elle arrive t’es là « attends mais il pouvait faire ça depuis le début ? parce que ça résout en fait absolument tout… »)

La fin est clairement là pour laisser arriver une saison 2, mais je vois pas trop ce qu’ils vont en faire : les backstories des personnages pas encore révélées, on s’en fout un peu maintenant que l’on sait que c’est fictionnel, et il va falloir un changement radical de ton au vu les dernières révélations. En soi pourquoi pas, mais je suis plus que dubitatif sur le fait que ça réussisse, vu déjà l’échec de la première saison.

Globalement, c’est une série qui veut faire du Westworld mais en retardant largement trop ses révélations, ce qui laisse le spectateur le cul entre deux chaises. Je ne recommande pas, d’autant plus que le potentiel que l’on voit être gâché est particulièrement frustrant.

Musées du Vatican – Rome (7/8)

Pour le dernier jour, visite des musées du Vatican et de la basilique saint-Pierre. Beaucoup d’œuvres de style et d’époques différentes, un peu overwhelming en terme de quantité de trucs artistiques. Très belle collection d’art contemporain sur la thématique de la foi, mais les photos rendaient très mal (les salles n’étaient pas toujours très éclairées).

Sarcophage
Statue d’Anubis
Chérubins et crocodile
Paon récupéré du mémorial d’Hadrien
Plafond, musée du Vatican
Plafond, musée du Vatican
Plafond toujours, galerie des cartes
Armoiries papales, galerie des cartes
Petite mosaïque de sol
Détail d’un plafond, le triomphe de la chrétienté sur le paganisme
Détail d’un volet
Yet another plafond
#passionPlafond
Descente de croix
Escalier de la sortie

Far from the Light of Heaven, de Tade Thompson

Au sortir d’un voyage interstellaire en animation suspendue, la capitaine du Ragtime découvre que l’IA de bord ne fonctionne plus et que 30 passagers ont été tués. La planète qu’elle orbite envoie un duo d’enquêteurs résoudre l’affaire.

Sur le papier ça avait l’air cool, mais ça souffre fortement du problème de l’auteur d’un autre genre que la SF qui se dit qu’il va révolutionner le genre parce qu’ils sont gentils avec leurs petits mickeys, et qui finit surtout par réinventer les poncifs. Autant j’avais beaucoup aimé la suite de novellas Molly Southbourne du même auteur, autant là c’était sans grand intérêt. Ça aligne les grands concepts – aliens ! trous de vers ! IA ! mégacorporations ! terraformation ! – sans en faire grand chose, y’a beaucoup trop de personnages qui sont introduits et mal développés, le côté chambre close fonctionne pas du tout… Bref c’est foutraque, et y’a pas eu de travail d’édition.