Archives de catégorie : Jeux vidéos

Lucifer within us, de Kitfox Games

Court jeu d’enquête. On incarne une exorciste qui enquête sur une série de meurtres dans un monastère, dans un monde où la religion est basée sur la cybernétique : les démons existent dans un monde virtuel et peuvent infecter les humains via leurs implants.

Le jeu est court, trois petites enquêtes, mais j’ai bien aimé l’univers et l’esthétique. La mécanique de la timeline à confronter est intéressant, mais il est possible de bruteforcer toutes le jeu en testant tous les configurations (ie en contredisant chaque élément de la timeline en présentant tous les indices possibles). Une fois l’enquête résolu, on doit trouver quel démon infecte le meurtrier. Cette partie pour le coup n’a aucun intérêt, on n’a le choix qu’entre quatre et c’est très transparent à chaque fois.

Globalement ambiance et graphismes sympa, mécanisme intéressant même si bruteforçable, c’est plus une démo avec de belles finitions qu’un jeu complet à ce stade je trouve, mais ça faut le coup d’y jeter un coup d’œil.

Lost Nova, de Jon Nielsen

Court jeu vidéo indépendant paru en 2022. On incarne Nova, une aventurière qui crashe son vaisseau sur une planète alors qu’elle refusait de prendre des vacances. On doit alors parcourir plusieurs régions pour retrouver des pièces de vaisseau et des ressources permettant de crafter des améliorations pour notre pistolaser ou nos bottes jetpack.

C’est très wholesome, avec un univers coloré, des petites quêtes annexes et un message sur le fait de prendre du temps pour soi plutôt que de se focaliser exclusivement sur son travail. Dans le même style, j’avais beaucoup aimé A Short Hike.

Citizen Sleeper, du Studio A Jump Over the Age

Jeu vidéo narratif sorti en 2022. Nouvel arrivant dans une station spatiale et en rupture de contrat avec une corporation déterminée à nous récupérer, on tente de trouver notre place parmi les différentes factions gérant la station, de récupérer un peu d’argent pour acheter de la nourriture et le produit chimique qui évite à notre corps robotique de tomber en déliquescence. Au fur et à mesure de notre vie sur la station, on va interagir avec plein d’habitants et choisir parmi plusieurs options celle qui nous convient le plus pour reconstruire une vie ici ou sur un vaisseau en partance.

J’ai pas mal aimé l’ambiance ; le côté station spatiale désormais auto-gérée, avec des conflits de gestion, des idéologies et des structures de pouvoir différentes qui s’affrontent était bien fait, le côté « les corpos sont toujours en embuscade pour tenter de rerécupérer la station » marche bien aussi. Les multiples fils narratifs des différents habitants avec lesquels on interagit sont globalement bien écrits. Par contre le jeu consiste essentiellement à cliquer pour voir des choses se dérouler. Souvent les choix multiples de dialogue n’ont pas vraiment d’impacts sur l’histoire. On peut rallier toutes les factions à la fois sans se fermer de portes. Un peu dommage au vu des thèmes abordés de ne pas avoir fait plus de choix qui ont un réel impact sur le déroulé de l’histoire.

Immortality, de Sam Barlow

Jeu vidéo sorti en 2022. Le concept se rapproche du précédent jeu de Barlow auquel j’avais joué, Her Story : on dispose d’une masse de clips vidéos dans laquelle il va falloir rechercher des informations pour comprendre l’histoire. Dans Her Story il s’agissait d’interrogatoire de police et l’interface était textuelle. Ici, il s’agit des rushs non-montés des trois films dans laquelle a joué l’actrice Marissa Marcel, récemment redécouverts, et l’interface se fait en sélectionnant des éléments du film, pour atterrir dans une autre séquence contenant cet élément. Pour une personne apparaissant à l’écran ça va être une autre séquence où elle est présente, pour les objets ça va être un objet de la même catégorie (sélectionner une chaise peut faire arriver sur un autre modèle de chaise, une pomme sur un autre type de fruit, etc…).

Globalement, j’ai beaucoup aimé le concept, mais je suis moins convaincu par l’exécution. Par rapport à Her Story, la taille plus ambitieuse du jeu fait qu’on s’y perd un peu, et la navigation random d’une séquence à l’autre rend difficile d’avoir l’impression de maîtriser ce qui se passe. Idéalement j’aurais voulu pouvoir taguer les séquences, faire des collections dans lequel je les ordonne. Dans le genre « enquête dans des couches multiples d’histoires » j’ai trouvé que Return of the Obra Dinn avait une interface plus réussi pour laisser du contrôle à la joueuse. J’ai aussi déclenché la fin du jeu après avoir passé déjà un peu de temps dessus mais clairement pas compris l’histoire globale.

Pour les points positifs par contre, la masse de travail pour réaliser le concept général est impressionnante (cet entretien avec Barlow réalisé par Libération est d’ailleurs fort intéressant). Les trois films rendent bien (moins convaincu par celui des années 90, mais les deux premiers, et surtout le premier donnent vraiment envie de voir les films montés, le grain de la pellicule est bien rendu, et tout le côté « comprendre à la fois l’histoire des films et via les éléments autour du tournage la vie des acteurs » est très cool. Je pense que pour améliorer le jeu il aurait fallu encore plus de séquence hors tournage, du type tournées promotionnelles ou autre pour avoir plus que la vies des acteurs principaux de détaillée, et avoir des intrigues juste sur la vie des gens en dehors de l’arc principal.

Globalement, concept de jeu original et qui veut le coup d’être testé, mais réalisation pas parfaite (masse d’info impressionnante, mais manque d’outil pour la traiter facilement). Je met le tag recommandé mais c’est « je recommande d’aller jeter un coup d’oeil au concept », pas « précipitez vous dessus ».

Journey, de Thatgamecompany

Jeu vidéo indépendant publié en 2012. Dans des environnements désertiques et des ruines, on contrôle un petit personnage muni d’un écharpe qui lui permet de voler. On peut libérer d’autres écharpes qui rechargent notre pouvoir de vol, activer des runes pour augmenter la taille de notre écharpe, chanter pour attirer ou réanimer des écharpes et faire briller des rochers, et c’est globalement tout. L’histoire du monde est expliqué par des bas reliefs et des visions, on progresse lentement vers une montagne fissurée avec de la lumière qui s’en échappe.

C’est pas très long (j’ai fini en 2h), mais c’était assez cool. Les environnements sont jolis, rien de très compliqué à faire mais on se laisse porter par l’histoire. Et je n’ai compris qu’à la fin du jeu qu’il était en fait multijoueur : on croise d’autres personnages identiques à nous de temps à autre, et ce sont en fait d’autres joueurs qui font telle section du monde en parallèle de nous (c’est un peu le précurseur des marques d’invocation dans Dark Souls), on peut interagir de façon très limité avec elleux mais la proximité de deux joueurs recharge les deux écharpes, c’est bien fait.

Bref, cool petit jeu indé paisible et beau.

What remains of Edith Finch, du studio Giant Sparrow

Jeu vidéo publié en 2016. On explore à la première personne la maison familiale des Finch, une famille dont on est le dernier membre vivant. L’architecture de la maison est exentrique, avec des étages empilés précairement les uns sur les autres et des passages secrets dans tous les sens. Au fur et à mesure de l’exploration, du texte qui s’affiche en surimpression sur le monde et des minijeux nous font découvrir la vie des différents membres de la famille.

J’étais attiré par les côtés « maison à l’architecture étrange » et « saga familiale », mais j’avoue que j’ai été un peu déçu par le jeu, qui est certes joli, mais surtout un walking simulator où l’on ne fait pas grand chose de plus qu’avancer.

Gris, de Nomada Studio

Jeu-vidéo de 2018. Il s’agit d’un jeu de plateforme casuel. On joue une femme qui se déplace dans un environnement fait d’une architecture assez onirique. L’héroïne débloque des pouvoirs (double saut, nage, …) et des couleurs qui viennent se rajouter à l’environnement et le transformer. C’est très beau et poétique. Le jeu se finit vite, 6 heures pour moi, mais il est assez marquant par son univers et sa direction artistique. Je le recommande.

Paradise Killer, du studio Kaizen Game Works.

Jeu d’enquête sorti en 2020. On joue une enquêtrice rappelée de son exil pour découvrir la vérité sur un multi-homicide sur une île dans un univers très perché.

Basiquement, c’est une murder (+ une dating simulation) : il y a plein de persos à interroger et de secrets à découvrir, certains liés à l’enquête principale, qui peuvent être des fausses pistes ou non, certains déconnecté de l’énigme mais qui rajoutent du lore et de l’épaisseur aux relations entre les persos. Un léger regret sur le fait que la meilleure strat est toujours d’épuiser toutes les options de conversation avec les persos : en soi, ne pas leur révéler ce qu’on a découvert sur eux pour éviter qu’ils construisent une défense avant le procès serait plus cohérent, mais probablement plus compliqué à implémenter. Par ailleurs, on se ballade dans l’univers façon monde ouvert : c’est réaliste pour une enquête mais perso je pense que j’aurai bénéficié d’un peu plus de contraintes pour aller inspecter la scène de meurtre et certains éléments clefs dès le début, par certains points j’ai l’impression d’avoir un peu pris les choses à l’envers (mais c’est un défaut assez mineur et assez lié à ma pratique du jeu plus qu’à sa construction).

L’univers est très original : basiquement, on travaille pour une secte qui œuvre au retour des Grands Anciens à la Lovecraft, sauf que l’esthétique est à l’opposé de Lovecraft : avec les pouvoirs conférés par un des Dieux, la secte s’est construit une retraite dans une dimension de poche, sous la forme d’une île paradisiaque pleine de bâtiments brutalistes, de néons et de couchers de soleils avec une esthétique 80’s (mais ils continuent à sacrifier des humains pour charger psychiquement les Dieux). Le lore est très dense, avec des persos très wtf, un univers qui a l’air de partir dans tous les sens mais a en fait une grosse cohérence interne : on peut le rapprocher de Disco Elysium, mais avec plus d’ecstasy et moins de politique.

Merci à MNL pour le cadeau !

Heaven’s Vault, du studio Inkle

All of this has happened before and all of this will happen again

Jeu vidéo sorti en 2019. L’histoire se passe dans la Nébula, un ensemble de petites lunes reliées par des courants d’eau passant d’une planête à l’autre. On suit le point de vue d’Aliya, une chercheuse en archéologie, envoyée par sa directrice à la recherche d’un collègue disparu lors d’une campagne de fouille. Notre quête va nous faire découvrir progressivement l’Histoire de la Nébula, dont les traces abondent mais qui n’intéresse personne, la religion dominante stipulant que le temps est cyclique et que les choses finiront par revenir.

J’ai beaucoup aimé l’ambiance du jeu. L’univers de la Nebula est orientalisant et sur le Déclin : on découvre partout des endroits qui ont connu leur heure de gloire bien des années auparavant. Ça donne de très beaux décors, dans lesquels on se déplace pour trouver des fragments de texte que l’on essaye de déchiffrer pour comprendre le passé (la compréhension du langage Ancien est une des mécaniques centrales du jeu). Les personnages sont réussis, l’histoire et l’Histoire présentées riches en rebondissements, la bande-son discrète mais belle. Et surtout une narration très réussie, avec différents arcs que l’on peut découvrir ou non, certains choix mutuellement exclusifs, le tout réalisé d’une façon très fluide (à l’inverse, il y a quelques moments où l’envers du décor se voit un peu, avec des interactions où tu comprends pas comment ton personnage comprend ou affirme certains trucs, mais c’est assez mineur. Dans le même style, certains éléments apparaissent un peu trop tôt sur la carte je trouve. Je regrette aussi l’impossibilité d’explorer plus avant certains aspects, comme le passé commun d’Aliya avec ses amis, mais de ce que j’ai compris le studio a manqué de fonds pour finir de développer le jeu autant qu’iels l’auraient voulu).

Bref, je recommande chaudement. Dans le pitch il y a des similitudes avec Outer Wilds, mais dans les mécaniques de jeu, dans l’esthétique et dans l’histoire assez peu.

Disco Elysium, de ZA/UM

RPG vidéo sorti en 2019. On incarne un détective amnésique qui doit enquêter sur la mort d’un homme retrouvé pendu dans une arrière cour, dans une cité en déliquescence, sur fond de négociations entre une entreprise transnationale et un syndicat de dockers. Le jeu propose pas mal de miniquêtes annexes, et surtout un système de compétences et d’objets équipables permettant de façonner la personnalité et les capacités du héros, modifiant les interactions que l’on peut avoir avec l’environnement et les PNJ.

J’ai beaucoup aimé. L’environnement est original (des années 70’s alternatives dans une cité anciennement impériale, désormais sur le retour et victime d’un néocolonialisme déguisé, avec des aspirations à l’autogestion contrecarrée), avec un arrière plan ultra riche et travaillé dont on voit finalement très peu par rapport à toutes les pistes qui sont données. Le narrateur est en sale état, et les différentes compétences que l’on développe prennent la forme de voix intérieures qui nous donnent des indications sur comment gérer nos interactions avec les autres persos, et donnent des bonus sur les lancers de dés qui gouvernent toute la mécanique du jeu. Mais ces voix intérieures ne sont pas toujours fiables, les suivre aveuglément n’est pas toujours idéal. De même, épuiser toutes les options de dialogue n’est pas toujours une bonne idée, de la même façon que dire tout ce qui nous passe par la tête dans la vie réelle n’est pas idéal. On peut modifier l’alignement politique du personnage (et même si ce n’est pas dit comme ça, il y a aussi une grille lawful/chaotic|good/bad). En terme de graphismes l’environnement est très beau dans le genre ruines réaménagées, avec plein de petits détails.

Grosse recommandation.