Le Conflit n’est pas une agression, de Sarah Schulman

Essai publié en 2016. L’autrice parle de situation de conflit, ie de divergences d’opinion, de ressenti ou de volonté, qui sont perçues comme des agressions, ce qui fait que la situation escalade. Elle aborde aussi bien des cas interpersonnels que le cas du conflit israélo-palestinien, spécifiquement l’assaut d’Israël sur la bande de Gaza en 2014.

Globalement, je trouve qu’il y a des éléments intéressants, mais j’ai du mal avec le style de l’autrice, et je pense qu’elle a l’air de prendre un peu trop la position « tout le monde peut être de bonne volonté » dans les conflits interpersonnels alors qu’il y a pas mal de situation ou des personnes abusent de leur pouvoir assez clairement.

Ses thèses, si je les résume à gros traits : la redéfinition de conflits (deux personnes sont en désaccord et peuvent avoir une part de responsabilité dans la situation) en agression (une personne est en tort) permet de prétendre que des situations complexes sont finalement manichéennes : il y a une personne qui a tout les torts et une totalement innocente. C’est moralement plus confortable, on peut repeindre la personne identifiée comme portant les torts comme un monstre qui mérite d’être exclu du groupe. Mais ça ne correspond pas à la réalité et ça ne permet pas de résoudre les situations. De plus, il est tout à fait possible que la personne qui a la plus grande part dans le déclenchement du conflit soit celle qui manie le mieux le langage de la victimisation ou l’appel aux institutions et utilise ça pour prendre encore l’ascendant sur l’autre. La position du groupe extérieur ne devrait (quasiment) jamais être de prendre parti mais de servir de médiation.

Il y a un chapitre très intéressant sur la judiciarisation de la séropositivité par les autorités canadiennes, où des lois rendent criminel d’avoir des rapports sexuels sans révéler sa séropositivité à son partenaire, qu’il y a eu transmission, ou même risque de transmission. On est passé d’un paradigme où la sécurisation du rapport était la responsabilité des partenaires (faire du safe sex) a une responsabilité unilatérale de la personne séropositive qui doit révéler son statut, la personne séronégative étant une victime en puissance. L’autrice développe comment ce sujet et l’ouverture du mariage aux couples de même sexe a permis de retracer une bonne façon d’être queer (séronégatif, aspirant à une famille normée, avec des enfants dont le phénotype pourrait faire penser aux deux parents même s’il est évident qu’il ne sont pas nés de parents de même sexe), vs une mauvaise façon (une identité queer militante, revendicative, ou simplement qui ne vise pas un assimilationnisme aux classes dominantes).

Ça manque quand même un peu de recettes magiques pour moins éviter et mieux gérer les conflits interpersonnels (même si « ne pas démoniser l’autre » est probablement déjà un bon conseil)

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