Écofascismes, d’Antoine Dubiau

Essai publié en 2022. L’auteur note que si en France l’écologie est entrée dans le champ politique à la faveur de mai 68 et a été en conséquence étiquetée à gauche, il n’est pour autant pas impossible d’avoir des mouvements libéraux ou fascistes écologistes et autocohérent, qui ne seraient pas juste du greenwashing. Pour l’heure, le fascisme occidental reste largement un carbofascisme, défendant les fossiles tant qu’il peut, mais deux processus conjoints de fascisation de l’écologie (en même temps que du reste de la société) et d’écologisation du fascisme (avec l’intégration d’éléments nouveaux dans les doctrines des fascismes historiques) rendent possible la bascule vers un écofascisme.

Fascisation de l’écologie
Plusieurs axes possibles. Des postures misanthropes (l’Humain est pourri par essence, il faut s’en débarrasser pour sauver la planète) et malthusiennes (le problème c’est la surpopulation) glissent très facilement vers des postures racistes (il faut se débarrasser de certaines catégories de la population, pour laisser de la place pour d’autres, par essence meilleures).
Par ailleurs « l’Humain est par essence violent et destructeur de la Nature » peut servir à excuser des dominations au sein de l’espèce humaine : si on prétend que la domination est naturelle, allons-y à fond les ballons.
Les récits effondristes et survivalistes participent aussi de la fascisation : ils présentent l’effondrement et la mort de millions de gens comme un mal nécessaire pour redémarrer sur des bases plus saines (c’est aussi une vision très occidentalo-centrée puisque la crise climatique en place plutôt que l’effondrement qui vient est le quotidien de beaucoup de populations dans le monde déjà). De plus, on est sur une rhétorique de la survie des plus forts, bien en phase avec une société de la loi du plus fort.
Idée aussi de l’inefficacité de la démocratie : elle serait trop court-termiste (avec la durée des mandats et l’objectif de la réélection) et trop lente (avec la recherche du consensus) pour pouvoir répondre à la crise. Il faudrait dès lors un État d’urgence ou un régime autoritaire pour sauver l’environnement, une sorte de dictature éclairée en vert.

Écologisation du fascisme
Si le fascisme est initialement à fond pour les fossiles, depuis les réinventions idéologiques de la Nouvelle Droite, du GRECE et d’Alain de Benoist, intégration d’éléments écologiques depuis les années 80, avec une vision antimoderniste de l’écologie, mélant conservatisme, critique de la société de consommation et de l’uniformisation du monde et défense des particularismes régionaux.
La défense des races humaines supérieures était devenu la défense des cultures humaines supérieures chez les fachos. Avec les apports de l’écologie, proposent d’en revenir aux groupes ethniques : les populations humaines seraient adaptées finement à leur environnement comme n’importe quelle espèce dans son environnement (vision fausse de populations statiques). Du coup, il y a une adéquation population/environnement et il faut protéger ce couple : justifie la défense de «  » »notre patrimoine » » » contre des invasions extérieures de populations maladaptées au milieu. C’est à la fois la pureté de la race et la protection de l’environnement naturel et culturel. Mobilisation du vocabulaire de l’écologie pour soutenir des thèses racistes et xénophobes en les couvrant d’un vernis pseudoscientifique.
Un autre courant (le précédent étant généralement antichrétien, glorifiant les populations de l’Europe païenne contre un christianisme tête de pont de la modernité) est l’écologie intégrale (catholique). Ce courant considère que la Nature pose des bornes à ce que l’Humain doit faire. Dépasser ces bornes est contre-nature et rompt l’équilibre H/Nature. Sans surprises, ces bornes sont l’avortement, la remise en question de l’hétérosexualité, la PMA, et tous les autres marqueurs de la modernité sociale (qui n’irait donc plus juste contre les traditions mais contre l’équilibre de la Nature)

Nature de l’écofascisme
Du coup, l’écofascisme, quid ? Ce serait un fascisme qui s’intéresse pas seulement à la Nature en tant que grand concept (l’ordre naturel dont il se réclame vs la modernité décadente), mais en tant qu’environnement immédiat, parce que l’environnement du groupe humain qui se revendique du fascisme est dans cette idéologie inextricablement lié à cet environnement, qui l’a façonné. La défense du groupe passe donc par la défense de l’environnement, contre l’étranger inadapté qui va l’abimer (en excédant sa capacité de charge mais aussi parce qu’intrinsèquement il n’est et ne peut lui être adapté) en plus de dégrader la culture du groupe fasciste (ça c’est un élément qui persiste depuis le fascisme classique). Le fascisme reprétend s’appuyer sur des bases biologiques dans l’écofascisme. La vision fixiste des communautés qui ne se mélangent pas et qui sont adaptées à leur environnement a pour corolaire que les frontières sont vues comme naturelles : si elles séparent des communautés par nature incompatibles, il faut les défendre, et elles ne pouvaient pas être à une autre place puisqu’elles séparent des communautés naturellement différentes.

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