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Bunny, de Mona Awad

Roman publié en 2019. On suit Samantha, une étudiante en lettre dans une prestigieuse université nord-américaine où elle est boursière. Elle suit principalement un séminaire d’écriture, où elle est dans une classe de 5 avec quatre autres femmes, qui sont ultra-soudées et s’appellent l’une l’autre « Bunny ». Horripilée par ces quatre femmes qui surperforment une féminité infantile, Samantha est cependant simultanément épuisée d’être l’outsider perpétuelle. Quand les Bunnies l’invitent à une de leurs soirées, Samantha va accepter de se fondre dans le groupe, et découvrir que derrière la façade en saccharine, les Bunnies ont un étrange pouvoir magique qu’elles sont prêtes à partager avec elle – si elle se conforme à l’esprit du groupe.

C’était intéressant mais assez wtf, à la fois roman fantastique avec une héroïne isolée dont on ne sait pas si il lui arrive des trucs surnaturels ou si elle sombre dans la folie, et roman universitaire/de lycée (les Bunnies pourraient être des Heathers) avec des cliques et des mean girls. C’est aussi un roman sur le fait d’écrire un roman, même si c’est en arrière-plan c’est quand même bien présent.

The Chair, d’Amanda Peet et Annie Julia Wyman

Série US de 2021. A 46 ans, Ji-Yoon vient d’être nommée directrice du département d’anglais de son université, première femme et première personne racisée à accéder au poste. Mais le poste en question est un enfer, elle doit gérer crise sur crise alors que la direction générale essaie de mettre à la retraite trois de ses enseignants, que ceux-ci n’ont plus d’étudiants dans leurs cours, que son professeur star (qui est aussi son crush) décide soudain de faire un salut nazi en cours et refuse de s’excuser au nom de la liberté d’expression… Et par dessus tout ça, elle doit gérer sa vie personnelle qu’elle case dans les trous qui restent dans son emploi du temps, sa fille étant compliquée, son père peu aidant et ses amis limités à son idiot de crush.

J’ai beaucoup aimé. J’ai trouvé tous les personnages et toutes les lignes narratives réussis : côté vie privée, le personnage de Ju-Hee est très réussi, le côté gamine précoce et vindicative qui est très cool quand on interagit avec elle de loin ou qu’on la voit en temps que spectateur, mais qui est infernale à élever. La relation que Bill a avec elle, en mode « je te parle comme à une adulte » = exactement ma façon d’interagir avec des enfants. L’ensemble de la communauté coréenne est très drôle, dommage qu’on ne les voit que dans un épisode à part le père de Ji-Yoon.

Côté professionnel, les différents collègues sont très bien caractérisés. Pour commencer par un personnage mineur, le Dean en personnage visqueux et secrètement méprisé par les enseignants qui le considèrent comme un bureaucrate parvenu est très bien mis en scène. David Duchovny et tout l’arc autour de lui est très réussi aussi, mais impacte peu l’histoire générale. Dans les enseignants du département d’anglais, Joan vole la vedette avec son side-plot sur son bureau et son enquête sous couverture pour trouver son élève nemesis. Le côté ultra intense du personnage fonctionne très bien en tant que ressort comique. Les autres collègues âgés sont plus effacés. Yaz est un personnage super intéressant mais qui aurait mérité plus de temps d’écran, elle fonctionne surtout comme un miroir plus jeune de Ji-Yoon, mais sinon elle agit peu. Le personnage de Bill est à mon sens une très grande réussite. Le côté chien battu, professeur-star-mais-qui-a-été-marqué-par-la-vie et décide plus ou moins consciemment de tout saborder marche très bien. Il a objectivement des côtés attachants (il fait bien la cuisine, il sait donner des cours passionnants, il est drôle), et en même temps il est près à se comporter comme un connard total et refuser d’assumer, quelles que soient les conséquences, pour lui ou pour les gens autour de lui. Il est persuadé d’être dans son bon droit et qu’il lui suffit d’attendre pour que le monde se rallie à son point de vue. Et du coup même s’il aime beaucoup Ji-Yoon, il est la source de 90% de ses emmerdes et ne fait strictement rien pour les prendre en charge (après Ji-Yoon arrive à générer une partie de ses propres emmerdes : elle n’arrive pas à choisir sa posture face au Doyen, alternant coups de pression et soumission, elle vole les notes de cours de Bill, elle abandonne le cas de Joan, elle ne soutient qu’à moitié Yaz et se lave les mains de la suite… Comme elle le dit, elle a récupéré le département dans un état de merde (et elle a zéro supporting crew), mais elle empire encore la situation (mais il n’est pas clair qu’elle avait des ressources et un environnement qui lui permettait de faire mieux). Globalement, tous les personnages sont attachants, mais tous les personnages font de la merde. Pour moi la fin n’est pas un happy-end de romcom, mais une appeased end : les personnages n’ont plus de responsabilités, la pression est partie : oui c’est un échec – Ji-Yoon a été démissionné de son poste ; Bill est viré, mais en même temps c’est une situation où Ji-Yoon n’a plus à stresser en permanence pour gérer 4000 trucs. Est-ce que c’est pas mieux pour elle ? On a l’impression que le poste à responsabilités, dans la configuration, ne pouvait juste pas bien se passer (the only winning move is not to play?), quelle que soit la personne (et bonne chance à Joan d’ailleurs). Alors on voit l’échec d’une femme de couleur, mais le tenant précédent du poste était Bill, est visiblement ça n’était pas la folie non plus, et rien n’est résolu au départ de Ji-Yoon en terme d’enjeux liés au poste.