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Article invité : Une année de lectures 2.0

Comme l’année dernière, le bilan des lectures d’aaz.

Depuis le début de l’année 2020, je tiens à jour la liste des livres que je lis à mesure que je les finis. Cela avait été l’occasion (ou le prétexte) d’en faire une analyse rétrospective à la fin de l’année dernière, en les classant tous par ordre de préférence et en élaborant divers tableaux récapitulatifs.

À la fin de cette Année 2, la poursuite de cette entreprise me permet donc de refaire un nouveau bilan, mais avec plus de tableaux, plus de données, et le petit bonheur supplémentaire de pouvoir (attention, nouveauté) comparer les chiffres de cette année de lecture à ceux de la précédente.

Voici donc sans plus attendre les enseignements de ce qu’il apparaît désormais légitime de qualifier de tradition de Nouvel-An :

Une année de lectures 2.0

(Now With More Graphs)

Bon, ce n’est pas juste une question de chiffres.

Comme l’année dernière, en divisant la taille de chaque livre (en nombre de mots) par le nombre de jours passés à les lire, j’obtiens une approximation assez grossière du temps que j’ai consacré à la lecture. Je garde pour les vertus de la comparaison les mêmes restrictions arbitraires que l’an dernier : je ne note que les lectures de fiction hors BD / romans graphiques.

Pour ma part, l’année 2021 a été marquée par l’absence significative d’un confinement total « à la 2020 » avec deux mois entièrement consacrés aux loisirs, outre des changements en matière professionnelle. Tout ceci – et le décalage très net du curseur de la balance travail-loisirs – s’est traduit sans surprise par une baisse marquée de mon temps passé à lire, de l’ordre de 30 %, que l’on compte en nombre de livres (de 53 à 37) ou de mots lus.

Le détail semaine par semaine n’est pas plus surprenant et correspond à mon ressenti personnel, tout comme l’an passé, d’ailleurs. Mon « rythme » de lecture corrèle, au cas par cas, avec l’intérêt que j’avais pour chaque livre, mais aussi (voire surtout) avec mon niveau général de disponibilité d’esprit, d’énergie et de capacité à rester concentré (légende : un carré = un jour, une couleur plus foncée indique plus de temps de lecture).

C’est assez net quand je superpose sur le graphique les périodes qui étaient pour moi les plus intenses par ailleurs, ou quand je compare avec l’année 2020 :

L’aspect peut-être plus inattendu est que ce relâchement de fin d’année s’est aussi traduit par des lectures qui étaient plus souvent en anglais qu’en français, peut-être parce qu’il s’agissait de lectures « de genre » et plus « faciles ». Cela reste toutefois un peu contre-intuitif puisque je trouve que lire en anglais demeure pour moi toujours plus fatiguant que de lire en français. J’ai d’ailleurs l’impression, depuis plusieurs années, de m’être heurté à un mur en anglais et de ne plus vraiment progresser en familiarité ou en facilité de lecture, et ce malgré la pratique. Je commence à me faire une raison en me disant que rien ne peut égaler une langue maternelle, mais c’est tout de même assez frustrant.

Forcément, ce bilan en baisse m’invite à tout relativiser et à me rappeler qu’il est évidemment plus important de prendre du plaisir à lire que de se forcer à lire beaucoup. Ce n’a d’ailleurs pas toujours été évident cette année. C’est peut-être ici, là aussi, une question d’énergie mentale. J’ai eu à plusieurs reprises des moments de découragement et du mal à me motiver à finir des livres que je trouvais fades, ou à en choisir un nouveau à commencer parmi une pile à lire d’une taille pourtant raisonnable.

L’année 2021 a donc été la redécouverte qu’il n’est pas si facile de savoir quoi lire, et qu’il n’y a en tout cas pas de méthode systématique pour savoir ce qui distingue un bon livre pour soi d’un mauvais. Quelques considérations en vrac à propos de ce qui a marché ou non pour moi, avant une petite liste (parce qu’heureusement ils existent) de mes vrais plaisirs de lecture cette année écoulée.

Ce n’est pas vraiment une question de genre littéraire non plus, enfin juste un peu. Là encore ce n’est peut-être pas très surprenant, mais l’expérience a montré que le genre n’était pas un très bon prédicteur de l’intérêt que j’allais avoir pour un livre. Il y a certains genres que je préfère au sens où je constate sur les chiffres que j’en lis plus, comme la science-fiction, mais ça ne me fait évidemment pas aimer tout ce que je lis.

Ce n’est même pas une question d’auteur, sauf quand en fait si. C’est une autre tendance à la facilité quand on cherche un livre qui nous plaît, d’aller taper dans le catalogue d’un auteur que l’on connaît déjà. C’était le cas pour 46 % de mes lectures de l’année (ce qui me surprend un peu, c’est un chiffre que j’aurais spontanément sous-évalué). Comme plus haut, il y a une très légère corrélation positive avec mon plaisir de lecteur, mais qui est loin d’être systématique. C’est peut-être lié au fait qu’on lit en premier les livres les plus connus d’un écrivain avant d’aller éventuellement chercher ceux qui ont moins de mérite critique ? En tout cas je fais d’année en année le tri entre ceux qui ont fini par me décevoir après une première bonne expérience (dis-je en pensant avec tristesse à China Miéville) et les autres qui restent constant dans la création de trucs top (more on that later).

Est-ce que c’est la taille qui compte ? Dernière corrélation qui marche un peu mais pas tout le temps : le fait d’avoir aimé davantage les plus gros livres. Là aussi une raison sans doute assez simple : plus de pages, c’est plus de temps avec les personnages et plus d’investissement émotionnel. Pour ces gros livres, c’est en revanche un peu tout ou rien, puisque quand un livre est pas top, on aime mieux qu’il soit court. Un des effets pervers de mes mesures est que, comme je ne prends pas note des livres que je ne termine pas (les « DNF » comme disent les jeunes), j’ai peut-être eu tendance à m’interdire d’abandonner certaines lectures qui pourtant me tombaient des mains

Et donc? Finalement, ces chiffres qui ne m’apprennent rien de transcendant sur moi-même sont surtout une invitation à relativiser tout un tas de chose, à se rappeler que le plaisir de la lecture est sa propre fin, à ne pas se poser plus de questions que ça, et à simplement se demander, Marie Kondo style, quelle est la joie que l’on en retire. Est-ce que tout ça n’était donc pas un exercice un peu vain ? Ce serait oublier que remplir minutieusement des tableaux Excel, ça aussi, it does bring joy.

C’est maintenant le « top livres » (présenté, pour déjouer les attentes, sous forme de prix catégoriels et non de top 10).

Prix « Sortir de sa zone de confort »

J’avais initialement abordé ces deux livres avec circonspection en me disant que ça ne serait pas ma came. En fait ça l’était.

Âge tendre, de Clémentine Beauvais : un jeune garçon fait son stage de 3e dans une maison de retraite pour personnes âgées qui perdent la mémoire et à qui on fait croire qu’elles vivent dans les années 1960. Il découvre la vraie vie et Françoise Hardy. Je ne sais plus vraiment comment et pourquoi je m’étais dit que je n’allais pas aimer malgré les multiples et dithyrambiques recommandations qui le précédaient ; peut-être en le soupçonnant de mièvrerie ? Plot twist, j’étais idiot, c’était effectivement super, c’est drôle et ça fait pleurer sans être niais, et la forme – le rapport de stage rédigé par le narrateur – fonctionne vraiment très bien.

La billebaude, d’Henri Vincenot : les souvenirs romancés de l’enfance de l’auteur dans les années 1920, dans un petit village du Morvan, sa vie quotidienne et son folklore local. Il n’y a vraiment rien de plus que ça, mais le style et le rythme font qu’on ne s’ennuie jamais, que les différentes histoires s’enchaînent, et qu’on se prend malgré soi à se trouver une curiosité pour ce sujet, et à partager le sentiment de nostalgie du narrateur pour la vie paysanne disparue. Lecture de ce roman terroir faite lors de vacances in situ, ce qui a dû jouer.

Prix « Ne surtout pas sortir de sa zone de confort, on y est très confortable »

Deux ex æquo dans cette catégorie :

L’amie prodigieuse, d’Elena Ferrante, tomes 2 et 3 : j’ai poursuivi la lecture de la série d’Elena Ferrante, qui retrace en quatre tomes la vie d’une jeune fille née à Naples dans un milieu populaire dans les années 1950. Les deux volumes lus cette année sont ceux des 15 à 35 ans de la narratrice, en gros, et sont ceux de son apprentissage intellectuel puis de la vie académique pendant les années de plomb. Les grosses ficelles du livre marchent totalement sur moi, l’effet saga feuilletonnante, la traversée des époques, le duo récurrent de frenemies, etc. Je trouve tout de même à l’autrice un petit quelque chose en plus dans sa sensibilité à ses personnages, et principalement à la personnage principale, à laquelle on s’attache et s’identifie très facilement.

The Tawny Man Trilogy, de Robin Hobb : la troisième trilogie dans le monde de l’Assassin royal, après les deux premières lues en 2020. On retrouve les personnages de la première trilogie, qui avaient été mis un peu de côté durant la seconde, celle des Liveship Traders. On repasse donc à une fantasy un peu plus resserrée et centrée sur les deux personnages principaux, par opposition à la multiplicité des points de vue dans l’histoire des bateaux magiques. La grande force reste là encore la richesse des personnages, et les histoires de quêtes, de magie, de dragon, de barbares des iles passent presque au second plan. C’est toujours aussi bien et c’est pour l’instant ma trilogie préférée du cycle. Il me reste sept (gros) livres pour l’année qui vient, et ça me réjouit.

Prix « SF SF SF SF SF SF SF SF SF SF ! »

Au milieu de plusieurs relatives déceptions cette année, trois livres qui ont en commun de montrer la force et l’inventivité de la science-fiction actuelle.

Diaspora, de Greg Egan : dans le futur, les humains vivent tranquillement comme des immortels dans des mondes virtuels ou dans des corps de robots ou avec des génomes modifiées à l’excès. Un jour, un plot device se produit, rend la Terre inhabitable, et force l’humanité à aller explorer l’univers, qui contient plein de choses mystérieuses. C’est extrêmement dense en bonnes idées pour un livre qui n’est pas si long que ça. Et malgré quelques excès de jargon vers la fin, j’ai trouvé que l’auteur arrivait à pousser beaucoup de ses concepts à leur paroxysme sans que la lecture devienne jamais ardue ou désagréable. C’est un livre difficile à résumer ou à recommander avec brièveté, je me contenterai donc de dire que j’ai beaucoup aimé.

Gnomon, de Nick Harkaway : cette fois-ci dans un futur plus proche et dans une Angleterre marquée par une société de surveillance généralisée gérée par des intelligences artificielles. On suit une policière qui enquête sur un meurtre grâce à une technologie qui lui permet de revivre la mémoire de la morte. Il y a des mystères, des récits dans le récit dans le récit, des histoires parallèles avec des personnages complètement distincts. Si la structure volontairement complexe du livre rend la lecture parfois ardue, j’ai trouvé que l’effort en valait la peine. Il y a là aussi beaucoup d’inventivité et beaucoup de bonnes idées, mais avec une vraie unité thématique qui n’apparaît que progressivement mais qui est tout à fait bien menée.

Blindsight, de Peter Watts : un objet extraterrestre apparaît dans le système solaire, et l’humanité envoie à sa rencontre une délégation de cinq personnes avec chacune leur particularité (dont un vampire de l’espace) pour effectuer le premier contact. Ce qui différencie ce livre des nombreuses autres histoires de SF sur le même concept, c’est qu’ici l’extranéité des aliens a été poussée au maximum, et que ça donne lieu à un récit qui est nourri de plusieurs questionnements sur les concepts même du vivant ou de la communication, et même des réflexions sur ce que pourraient être les briques de base d’une biologie moléculaire alternative. Un bon roman de science-fiction doit se tenir sur ses deux jambes. S’agissant des deux précédents, Diaspora manquait à mon avis un peu de qualités littéraires ; et Gnomon, qui les avait, n’était peut-être pas assez « hard SF » à mon goût. Blindsight réussit de mon point de vue sur les deux tableaux, et je le recommande très très chaudement, c’est indéniablement ma lecture favorite de l’année.

Quelques accessits livrés en vrac :

  • Never Let Me Go, de Kazuo Ishiguro
  • East of Eden, de John Steinbeck,
  • Piège pour Cendrillon, de Sébastien Japrisot,
  • Hyperion, de Dan Simmons (relecture),
  • The Lions of Al-Rassan, de Guy Gavriel Kay
  • Prix «  Sauvegarde et réhabilitation du recueil de nouvelles » :
  • Le silence de la mer, de Vercors,
  • Axiomatic, de Greg Egan,
  • The Labours of Hercules, d’Agatha Christie.

Article invité : bilan lectures 2020

Ce blog continue à accueillir des invités de qualité. Aujourd’hui c’est aaz qui publie un récapitulatif de ce qu’il a lu l’année dernière.

En 2020, j’ai pris note de tous les livres que j’ai lus, avec leur date de lecture. J’ai commencé en suivant le “52 Book Challenge” du subreddit r/52book. Les deux sites sur lesquels je notais mes lectures, Goodreads et Babelio, proposaient aussi la fonctionnalité de se fixer un objectif annuel de livres lus.

Je n’ai pas pris l’aspect défi trop au sérieux, mais j’étais content de regarder le subreddit de temps en temps pour voir ce qui y était posté, les livres qui étaient lus, comme on en tenait le compte, etc. J’étais aussi curieux d’avoir une idée factuelle de mes propres habitudes de lecture, tout en restant vigilant à ce que le quantitatif ne prenne pas le pas sur le qualitatif, et que la mesure ne devienne pas un objectif en soi.

Résultat, j’ai lu 54 livres durant l’année 2020 (hors BD / romans graphiques et “non-fiction”), dont voici mes 10 préférés :

  1. The Goldfinch, Donna Tartt. Un roman d’apprentissage sur l’adolescence d’un jeune Américain et sa relation particulière à un tableau d’un peintre flamand du XVIIe représentant un chardonneret. Lu avec beaucoup d’attentes, après avoir lu et adoré il y a quelques années The Secret History de la même autrice. C’est un gros roman dans lequel il se passe beaucoup de choses, avec des personnages que j’ai trouvés intéressants et bien écrits (n’en déplaise à certains). À la fois haletant et très touchant, j’ai trouvé que c’était un très bon livre.
  2. The Liveship Traders, Robin Hobb. Pas tant un livre qu’une trilogie, mais je les range ensemble. Une épopée de fantasy autour d’une famille de marchands dans un monde avec des bateaux magiques qui parlent. Je n’avais jamais lu de livres de Robin Hobb auparavant, à part une première tentative avortée à l’adolescence. C’est ma très bonne surprise de l’année et c’est un plaisir de lecture en fantasy que je pense n’avoir pas eu depuis A Song of Ice and Fire de GRR Martin. Comme The Goldfinch ci-dessus, ce sont des livres portés par un ensemble de personnages complexes et travaillés, qui donnent beaucoup plus de force à l’histoire et à ses retournements.
  3. The Remains of the Day, Kazuo Ishiguro. Dans les années 1950, un majordome anglais prend des vacances pour la première fois de sa carrière et se souvient de sa vie passée. Un court roman, beau et mélancolique, presque caricaturalement anglais. À conseiller à ceux qui ont aimé Downton Abbey mais qui ne pouvaient pas s’empêcher de se sentir un peu coupables.
  4. The Farseer Trilogy, Robin Hobb. Dans le même univers que les Liveship Traders (et à lire en premier).Le récit initiatique d’un jeune bâtard à la cour du roi, promis à une grande destinée. Sur un thème classique, une série passionnante, là aussi surtout portée par les personnages. Rien de plus à dire, c’était super bien. Très content d’avoir encore dix livres de la même série devant moi.
  5. Le Rouge et le Noir, Stendhal. Les années de jeunesse du fougueux Julien Sorel, serial lover et fan de Napoléon à la fin de la Restauration. C’était une relecture, après une première lecture au lycée dont je n’avais gardé finalement qu’assez peu de souvenirs et juste une impression générale d’enthousiasme. Impression confirmée cette année, peut-être pas forcément pour les mêmes raisons : je pense que le contexte historique m’était passé largement au-dessus de la tête, et que je ne me rendais peut-être pas vraiment compte de l’ironie de Stendhal vis-à-vis de son héros. C’est un roman “classique” pas chiant du tout, et en tout cas classique pour de très bonnes raisons.
  6. Anna Karénine, Tolstoï. La vie compliquée d’Anna Karénine, femme adultère, et de ses amis aristos, dans la Russie de la fin du XIXe siècle. De Tolstoï je connaissais le début de la Guerre et la Paix, pour avoir tenté à plusieurs reprises d’en venir à bout avant de le lâcher à cause de la longueur (mais en 2021 peut-être ?), sans que cela tempère mon enthousiasme. Anna Karénine est (un peu) moins long, mais tout aussi bien, surtout en raison de la richesse des personnages (je me rends compte que c’est le thème de cette liste). Là aussi un “classique” au meilleur sens du terme.
  7. Piranesi, de Susanna Clarke. L’histoire d’un homme qui vit seul dans un grand domaine en pierre, en apparence infini, aux murs couverts de sculptures. J’ai dû me forcer à modérer mes attentes pour ce livre inespéré qui arrivait quinze ans après Jonathan Strange and Mr Norrel (que j’aime. vraiment. vraiment. vraiment. beaucoup.), sachant que ça ne serait ni une suite ni un livre aussi ambitieux. Mieux vaut ne rien dire de l’histoire pour ne pas la gâcher, mais ce que je peux en dire c’est que c’est un petit livre surprenant et très bien écrit, pas forcément celui que j’attendais, mais je suis content de l’avoir.
  8. Leurs enfants après eux, Nicolas Mathieu. Quatre étés d’un adolescent d’un milieu populaire dans la Lorraine désindustrialisée des années 1990. Je me méfiais de l’étiquette de “roman social” et de prix Goncourt, à tort : l’époque et le contexte sont très bien rendus, et c’est un vrai plaisir de lecture.
  9. L’été meurtrier, Sébastien Japrisot. Dans un petit village de montagne en Provence, des secrets familiaux et les bouleversements qu’ils entraînent. C’est un polar / roman à suspens rondement mené, bien écrit, avec une intrigue travaillée. Comme ci-dessus, c’est un livre ancré dans un lieu et une époque qui sont évoqués avec richesse. Mon premier Japrisot, qui m’a donné envie d’en lire d’autres.
  10. Amatka, Karin Tidbeck. Livre suédois, sur une société totalitaire, au milieu du froid, où il faut régulièrement inscrire leur nom sur les objets pour qu’ils conservent leur forme. C’est un peu onirique et parfois déconcertant. Un peu à part du reste de cette liste, et plus expérimental que mes lectures habituelles, ça reste un livre intéressant, qui exploite tout le potentiel et la richesse de la SF.

Je suis assez content de la liste ci-dessus au sens où je la trouve relativement variée. L’un des objectifs que j’avais en tête en notant ces livres était aussi de recenser toutes sortes de statistiques, pour pouvoir quantifier objectivement la diversité de mes lectures : auteur homme / femme, littérature de genre ou non, langue de lecture, pays d’origine, etc. Le but n’était pas de me contraindre, de viser à une exacte parité ou autre chose de ce genre, mais simplement de mettre des chiffres sur des impressions. De même, j’ai aussi relevé la taille de chaque livre, en nombre de mots (à partir d’un plugin de Calibre), pour voir un peu comment avait varié mon rythme de lecture selon les mois.

Regardons donc un peu les chiffres.

À titre de remarque préliminaire, je remarque déjà que malgré mes vœux pieux je ne suis pas sûr d’avoir vraiment réussi à me détacher du côté défi quantitatif. Avec mes 54 livres, je dépasse tout juste mon objectif arbitraire de 52 livres dans l’année. Je pense que les rappels de Goodreads du type « vous avez 1 / 2 / 3 livres d’avance / de retard » ont pu jouer pour me faire lire des petits trucs courts au lieu de plus gros pavés, afin de tenir le rythme.

(52 semaines de 2020, chaque changement de couleur représente un livre différent.)
(52 livres dans l’année = un livre par semaine / par colonne)

C’est un des effets pervers les plus idiots, comme le fait de m’être parfois poussé à lire vite. A posteriori, ces lectures rapides m’ont moins marqué que les romans plus longs, dans lesquels on se retrouve forcément plus investi sur la durée. Je suis content d’avoir lu beaucoup de livres cette année, et faute d’avoir compté les années précédentes je ne sais pas si c’est sensiblement plus que d’habitude. En tout cas, si je recommence l’expérience pour 2021, c’est sans me prendre la tête sur ce point.

S’agissant de la diversité, je pense que le fait de regarder régulièrement mon tableau excel a aussi pu jouer pour me forcer à amener de la variété. C’était particulièrement vrai pour certains livres qui cochaient toutes les cases de mon intersectionnalité, comme Plus haut que la mer, de Francesca Melandri, un livre de littérature “blanche” (non-SFF), écrit par une femme, d’un pays non anglo-saxon, et lu en français. Contrairement au point précédent, je pense qu’ici, le fait d’être influencé par la métrique n’a eu que des effets positifs : il a donné lieu à de belles découvertes et à de bonnes surprises.

En exemple, ci-dessous, le récapitulatif des livres lus en anglais (en foncé) et en français. C’est quelque chose que je surveille, j’ai peur qu’à force d’aller chercher mes suggestions de lecture sur reddit ou d’autres sites américains, je finisse par “trop” lire en anglais, quoi que ça veuille dire. Je suis à peu près à parité, en penchant un peu plus d’un côté ou de l’autre selon que l’on compte en nombre de livres, en nombre de mots ou en nombre de jours.

Sur les autres mesures, je suis à peu près à parité entre les livres de fantasy ou de SF (26/54) et les autres. J’ai lu seulement 35% de livres écrits par des femmes, mais parmi eux six livres de Robin Hobb qui comptent, en nombre de mots, pour quasiment 25% de mon total de lectures de l’année. 

Enfin, le compte de mots de chaque livre m’a permis de quantifier mon rythme de lecture, à la fois en valeur absolue et dans ses variations pendant l’année. En tout, les 54 livres correspondent à un total d’un peu plus de sept millions de mots, soit environ 20 000 mots par jour. À la louche, cela correspond à un peu moins de cent pages au format poche, ou à peu près une heure de lecture quotidienne. C’est assez difficile de me le représenter, mon année a été assez hétérogène, entre un confinement au printemps plutôt tranquille, et les autres périodes où j’étais davantage occupé.

À partir des dates de fin de lecture, je peux calculer, à l’échelle de chaque livre, mon rythme moyen de lecture, c’est-à-dire le temps moyen passé à lire, en gros, pour chaque semaine. Le graphe correspondant est ci-dessous.

Il y a évidemment un effet confinos assez visible, mais j’y retrouve aussi des corrélations manifestes avec certains événements de mon année écoulée : ma période d’examens, les moments les plus intenses professionnellement, ma semaine de grippe suspecte avec des difficultés à respirer, mes vacances… Il y a aussi les livres qui me sont tombés des mains et que j’ai simplement mis du temps à finir au lieu de les abandonner.

En guise de bilan, je dirais donc que je n’ai rien découvert d’inattendu dans cette démarche, mais qu’elle m’a permis d’objectiver un certain nombre de choses dans ma pratique de lecteur, au prix d’un effort finalement assez minime de suivi des données. C’est une expérience que je réitère avec plaisir en 2021.

Pour finir, le reste de ma liste. L’ordre a été élaboré à partir de comparaisons deux à deux sur un site internet qui m’a produit un classement final (sans trop m’en demander pour ne pas créer de problème). Je ne suis pas sûr que, pour le milieu du classement, ce soit quelque chose qui ait vraiment beaucoup de sens ; j’ai pris le temps de le faire plus par affinité personnelle pour les listes ordonnées qu’autre chose. J’arrive toutefois à délimiter quatre grosses catégories, qui sont les suivantes : 

Les livres qui ne sont pas dans le top 10 mais que j’ai trouvés top et que je recommande sans hésiter :

  1. Sous les vents de Neptune, F. Vargas (seule autre relecture en 2020 avec le Rouge et le Noir),
  2. Normal People; S. Rooney,
  3. Le hussard sur le toit, J. Giono,
  4. Smiley’s People, J. Le Carré,
  5. Watership Down; R. Adams,
  6. La dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil, S. Japrisot,
  7. Vernon Subutex (t. 1), V. Despentes,
  8. L’attentat, Y. Khadra.

Les livres qui sont encore vraiment très bien quand même (oui, je ne suis pas un public très difficile) :

  1. Le parfum, P. Süskind,
  2. Surface Detail, I. Banks,
  3. House of Suns, A. Reynolds,
  4. Vita Nostra, M. et S. Diatchenko,
  5. The Woman in White, W. Collins,
  6. L’élixir d’oubli, P. Pével,
  7. La formule préférée du professeur, Y. Ogawa,
  8. Plus haut que la mer, F. Melandri,
  9. Unité 8200, D. Alfon,
  10. Les enchantements d’Ambremer, P. Pével,
  11. Machines Like Me, I. McEwan

Les livres que j’ai bien aimés mais sans être transcendé :

  1. Le fracas du temps, J. Barnes,
  2. Chevauche-Brumes, T. Latil-Nicolas,
  3. La maison, E. Becker,
  4. Civilizations, L. Binet,
  5. Underground Railroad, C. Whitehead,
  6. Serpentine. Ph. Pullman,
  7. Le lambeau, Ph. Lançon,
  8. Dernière sommation, D. Dufresne,
  9. Lock In, J. Scalzi,
  10. Beyond the Rift, P. Watts,
  11. The Ballad of Songbirds and Snakes, S. Collins,
  12. Stalker, A. et B. Strougadsky.
  13. Chien du Heaume, J. Niogret.

Les livres bof, d’un avis moyen ou réservé jusqu’aux grosses déceptions :

  1. Les furies de Boras, A. Fager,
  2. Skyward, B. Sanderson,
  3. La ménagerie de papier, K. Liu,
  4. The Atrocity Archives, C. Stross,
  5. La panse, L. Henry,
  6. Tous les oiseaux du ciel, C. J. Anders,
  7. Embassytown, C. Miéville (prix 2020 du “Il n’y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne”)
  8. Olangar : Bans et Barricades (t. 1), C. Bouhelier.