Archives par mot-clé : fantasy

The Book of Dust, de Philip Pullman

Tome 1 : La Belle Sauvage

Publié en 2017, c’est le premier tome d’une nouvelle trilogie qui a lieu dans l’univers de La Croisée des Mondes. On suit les aventures de Malcolm, un garçon de 11 ans qui rencontre Lyra Belacqua alors qu’elle n’est qu’un bébé. Les origines de Lyra et la prophétie des sorcières à son égard font qu’elle est déjà activement recherchée par l’Église, et Malcolm va tenter de la protéger. On va surtout suivre leur voyage à bord du canoë de Malcolm lors d’une inondation gigantesque qui recouvre l’Angleterre. Le voyage perpétuel en bateau, les rencontres plus ou moins oniriques (le temps et l’espace de l’inondation fonctionnant comme un seuil entre les mondes) font ressembler les tribulations des personnages principaux à l’Odyssée.

Sur ce premier tome je suis moins hypé que pour His Dark Materials, je trouve que Malcolm (surtout dans la partie avant que l’inondation ne recouvre le pays) n’est pas toujours un personnage totalement réussi, il est trop efficace dans tout, surtout pour un enfant de 11 ans. Un peu perplexe aussi sur l’agence d’espionnage qui a des procédures de compartimentation très strictes entre les membres mais balance tout à la mer dès que ça permet de faire avancer l’intrigue. Mais bon, le premier tome d’His Dark Materials n’était pas le meilleur non plus, et même avec les quelques défauts du bouquin, il reste très bon, je le recommande.

Tome 2 : The Secret Commonwealth

Bon. Là c’est assez clairement une déception. Ce second tome se déroule 20 ans après le premier. On suit à la fois les membres de l’agence d’espionnage et Lyra et Pantalaimon (on est sept ans après les événements d’His Dark Materials). J’ai trouvé qu’il n’y avait pas de cohérence thématique entre les différents éléments présentés dans le roman, qui oscille entre les intrigues politiques du Magisterium, une intrigue autour de roses aux propriétés spécifiques qui permettent de voir la Poussière, la quête de Lyra et Pantalaimon pleine d’angst mais de pas grand chose d’autre. Les personnages n’arrêtent pas de bouger, ne créent pas de relations avec d’autres persos vu qu’ils sont tout le temps en mouvement, et une bonne partie des personnages secondaires sont très clichés, soit très méchants, soit des stéréotypes d’étrangers du point de vue des colons. Plusieurs éléments viennent complètement contredire l’univers construit dans His Dark Materials : il y a de nombreuses personnes séparées de leurs dæmons (alors que tout l’enjeu du premier tome d’HDM était l’horreur qu’était l’expérimentation scientifique pour trancher ce lien, tous les événements des tomes 2 et 3 sont mis sous le tapis comme « peut-être juste imaginés » (alors qu’on parle quand même d’avoir tué Dieu, ça devrait avoir un léger impact), ainsi que tous les éléments magiques, dæmons inclus : on parle quand même d’une part essentielle de la vie de toutes les personnes existant dans cet univers, je vois pas trop comment une approche qui se prévaut d’être rationnelle dans cet univers pourrait ignorer toutes les preuves expérimentales. Les seuls éléments qui m’ont plu, et c’était vraiment très très épars, ce sont les quelques éléments sur le point de divergence qui fait que dans l’univers de Lyra l’Église chrétienne est devenue le Magisterium.

Bref, je suis pas du tout rentré dans ce second tome, franchement j’ai eu l’impression de lire une fanfic écrite par quelqu’un qui aurait mal compris la trilogie originelle.

Le cycle de Syffe, de Patrick K. Dewdney

Tome 1 : L’enfant de poussière

Roman français de fantasy, publié en 2018, premier d’un cycle annoncé en sept tomes. On suit le point de vue de Syffe, orphelin vivant dans les ruelles de Corne-Brume, capitale d’une province d’un royaume médiéval. Le roi vient de mourir, sans héritier, et les différentes provinces ont des ambitions à faire valoir. Syffe ne va vivre les machinations politiques qu’indirectement, n’étant pas à son niveau en bas de l’échelle sociale concerné par les machinations de la politique nationale. Il va cependant tremper dans des intrigues à l’échelle des factions de Corne-Brume, avant d’être exilé de la ville et d’apprendre le métier de soldat…

C’était lent, mais c’était prenant (ou c’était prenant mais c’était lent ?). L’auteur prend le temps d’installer les situations. La vie de Syffe connait des tournants radicaux, mais chaque situation est décrite pleinement. Comme il ne s’intéresse pas aux grands enjeux géopolitiques, on n’en entend parler qu’en arrière-fond quand d’autres personnages les évoquent, et quand ils ont des répercussions directes. Il y a aussi visiblement de la magie ou en tous cas du surnaturel dans l’univers, mais ça reste là aussi en arrière plan pour le moment. Les évolutions de la situation sociale et les déplacements géographiques de Syffe permettent de renouveler les aspects du monde qui sont présentés, ce sont des arcs qui sont assez auto-contenus même s’il y a des éléments qui passent d’un arc à l’autre, des personnages qui reviennent (de façon un peu improbable parfois). L’auteur fait très peu d’exposition, il n’y a pas de conversations exposants les enjeux historiques précis (peut-être une au tout début pour évoquer les raisons récentes de l’unification du royaume et pourquoi la mort du roi est une mauvaise nouvelle), il évoque à plusieurs reprises la guerre de la Vigne dans ce tome sans détailler, je suppose qu’on aura davantage de détails dans le T2 (intitulé La Peste et la Vigne).

Recommandé si vous avez pas peur de la lenteur dans vos histoires.

Broken Earth, de N.K. Jemisin

Trilogie de fantasy publiée entre 2015 et 2017. L’histoire se déroule dans un monde avec une tectonique bien plus intense que la nôtre, provoquant périodiquement des cataclysmes d’ampleur continentale. Les habitants de ce monde se sont adaptés à cet état de fait, certains empires arrivent à survivre aux cataclysmes, mais périodiquement la civilisation régresse, les communications sont coupées, l’hiver volcanique s’installe pour plusieurs années. Parmis les humains de ce monde, les Orogènes disposent d’une affinité naturelle avec les énergies telluriques. Soupçonnés de déclencher cataclysmes, éruptions et tsunamis, ils sont craints et détestés, et ne peuvent survivre qu’au sein d’une organisation qui les réprime et les entraine à la fois, le Fulcrum. On suit Syenite, une Orogène du Fulcrum envoyée en mission avec un autre Orogène, et qui va découvrir un certain nombre de vérités sur le passé de sa planête et son fonctionnement.

C’est une trilogie dans un univers très original et très ambitieux. Jemisin arrive parfaitement à tenir la ligne entre SF et fantaisie, avec des mentions d’artefacts de civilisations disparues avec d’immenses pouvoirs, des Orogènes qui peuvent manipuler les énergies telluriques dans un monde avec de l’hydroélectricité et des routes goudronnées. Une grosse part du bouquin parle d’esclavage, d’impérialisme, de colonialisme, de génocide, sans en faire de la dark fantasy, les thèmes sont lourds mais la mise en scène en est réfléchie et posée. Les personnages sont globalement très réussis, après sur la longueur de la trilogie j’ai trouvé qu’il y avait des gimmicks qui revenaient un peu pour certains (globalement je pense qu’un peu plus d’édition aurait bénéficié au livre). Les questions de liens familiaux, amoureux et amicaux sont aussi au coeur du livre, ainsi que la question de l’éducation, présentée en plein de variantes.

Grosse recommandation si vous voulez de la fantasy qui s’éloigne assez radicalement des tropes habituels. Le premier tome méritait très largement son Hugo à mon sens, je suis moins convaincu pour les deux suivants qui s’ils sont toujours très bien et élargissent encore l’univers, n’ont cependant pas la puissance du premier.

16 Ways to defend a walled city, de KJ Parker

Roman de fantasy britannique de 2019. Orhan, le narrateur, est un militaire de l’empire Robur.
Chef du Corps des Ingénieurs, il a réussi à obtenir son poste à force d’intrigues et d’astuces, alors même qu’il ne fait pas partie de l’ethnie dominante de l’empire, qui affiche ouvertement des opinions et politiques racistes. Par la force des circonstances, Orhan se retrouve à devoir organiser la défense de la capitale de l’empire, alors que celle-ci se retrouve assiégée par un ennemi qui a très exactement su comment exploiter les faiblesses de l’organisation centralisée de l’Empire.

J’ai bien aimé. C’est beaucoup de descriptions présentant comment arranger in extremis des situations désespérées en détournant les procédures et les fonctions, il y a un petit coté « la version fantasy de The Martian ». Le narrateur a un humour pince-sans-rire qui passe très bien et ça se lit tout seul. L’univers mis en place est intéressant aussi, avec un empire qui rappelle l’Empire romain + le côté puissance navale de l’empire britannique, avec une technologie fin du Moyen-Âge et des politiques ségrégationnistes. Quelques défauts cependant : la fin ouverte est un peu frustrante, on a l’impression que l’auteur en a eu marre de son histoire au bout d’un moment. De plus, sur certains passages on sent que l’univers est excessivement organisé pour que le narrateur puisse tenter de mettre en place ses hacks. C’est détourné par le fait que le narrateur dit explicitement à un moment qu’il n’est pas forcément un narrateur fiable, mais quand même.

Très bonne lecture si vous aimez le worldbuilding et les ingénieurs désabusés.

Tome 2 : How to run an Empire and get away with it

Petite baisse de niveau par rapport au tome 1. On est dans le même univers, 7 ans plus tard. Le siège de la Cité est toujours en cours, Orhan est mort. Notker, un acteur de théâtre est recruté par la junte en place pour jouer le rôle de Lysimachus, l’ancien garde du corps d’Orhan et visage du régime. A force de jouer le rôle du régent, Notker va peu à peu assumer la fonction, et trouver des solutions aux différents problèmes qui minent la Cité.

On est sur le même type d’intrigue que dans 16 Ways…, mais Notker est un dirigeant moins crédible qu’Orhan (au vu de son passé et de la façon dont il se retrouve au pouvoir) – et un personnage moins intéressant, étant Robur et non pas d’une minorité ethnique. De plus, le principe du fix-it fonctionne moins bien quand on est sur des questions de politique que sur des questions d’ingénierie comme dans le premier tome. Le point de vue de vue d’un outsider sur les événements des premiers tomes et comment le rôle d’Orhan a été effacé de l’Histoire même seulement sept ans après est intéressant, mais globalement l’histoire fonctionne quand même moins bien que dans le tome 1.

The Founders Trilogy, de Robert Jackson Bennett

Baba is You, the novellization

Premier tome : Foundryside
Roman de fantasy sorti en 2018. L’histoire se passe à Tevanne, siège des quatre compagnies marchandes qui dominent le monde depuis un peu moins d’un siècle, depuis leur redécouverte d’un langage magique dont l’écriture permet d’enchanter des objets pour que les règles fondamentale de l’Univers s’appliquent différemment à eux : basiquement, l’univers a un code-source et ce langage permet de définir des variables locales en lieu et place des constantes. Ce langage est fort complexe, et produire des effets perceptibles est difficilement envisageable sans disposer des moyens d’une grosse organisation : ainsi la production d’objets Enluminés est réservée à ces quelques compagnies, qui en on profité pour asseoir leur domination.
On suit principalement Sancia, une voleuse qui va découvrir un artefact antique Enluminé d’une puissance incroyable, et va se retrouver prise dans un complot aux multiples ramifications, comme tout bon personnage opérant aux frontières de la loi dans ce genre de livre.

J’ai vu comme commentaire dans une autre revue que c’est un bouquin de cyberpunk avec un habillage fantasy, et je trouve ça assez vrai : toutes les thématiques du cyberpunk sont effectivement là, à commencer par les multinationales au pouvoir démesuré. L’univers proposé est réussi, et même s’il y pas mal d’exposition, j’ai trouvé que ça fonctionnait bien. Le fonctionnement de la magie est une part importante de l’univers, et s’il est original et intéressant, j’ai quand même trouvé que par moment il fait vraiment trop code informatique – soit il va y avoir des révélations sur le fait que les persos sont dans une simulation à un moment, soit c’est un peu bizarre. Mais bon, c’est un défaut assez mineur, et par ailleurs y’a un côté trippant à voir l’auteur et les personnages être très rationnels sur les usages que ça implique, notamment en terme de méta.
L’intrigue du bouquin est réussie (une classique David contre Goliath, et à mi-bouquin « we take the fight to them ») et il n’y a pas de temps morts. Les personnages sont réussis, notamment l’héroïne, même si elle est par moments un peu trop héroïque, et elle a une backstory originale et qui apporte des éléments pertinents au bouquin. J’ai bien aimé les personnages secondaires mais ils sont quand même très archétypaux, un peu plus de profondeur psychologique n’aurait pas fait de mal. Un travail d’édition plus poussé non plus, parce qu’il y a des lourdeurs ou des répétitions par moments, ce qui est dommage pour un bouquin qui présente un univers bien complexe, la narration aurait gagné à être plus limpide.

Globalement une bonne surprise et une recommandation. Le tome un est traduit en français, le deux est déjà sorti en anglais, et le trois est encore à paraître.

Second tome : Shorefall

L’intrigue se passe toujours à Tevanne. Sancia, l’héroïne, reçoit un avertissement de Valéria, l’IA qu’elle avait libéré à la fin du tome précédent : le créateur de Valéria a été ressuscité et il va tenter d’utiliser les ressources de Tevanne pour asservir de nouveau Valéria et l’utiliser pour exécuter ses desseins. Sancia et ses alliés vont tenter de contrecarrer cette menace, tout en se méfiant de Valéria qui semble avoir aussi ses propres pions à pousser.

J’ai été beaucoup moins enthousiasmé que par le premier tome. Déjà ce tome n’est pas self-contained, c’est la moitié d’une histoire qui se terminera dans le trois, rien n’est résolu à la fin. Ensuite les personnages sont vraiment squelettiques, le livre est totalement tourné vers l’exécution des plans des différentes factions et leurs usages astucieux de l’Enluminure. La partie sur le jumelage des esprits était intéressante mais pas poussée suffisamment. Et le passage sur la technologie qui peut servir à contrôler aussi bien qu’à connecter pour le coup fait très naïf.

A voir ce que donnera le troisième tome, mais pour le moment je recommande de lire le tome 1 comme un standalone.

L’Âge d’Or, de Roxanne Moreil et Cyril Pedrosa

Bande dessinée médiévale en deux tomes. À la mort du roi, la princesse Tilda, qui doit hériter du trône, est exilée par le régent qui compte mettre son frère plus jeune et manipulable sur le trône. Soutenue par deux nobles en disgrâce à la cour, elle réussi à échapper à son bannissement, et se met en quête d’un mystérieux trésor que son père a évoqué sur son lit de mort. Quête classique, me direz-vous. Sauf qu’en parallèle, une révolte paysanne gronde à travers le royaume écrasé sous les taxes des nobles. Les paysans se réclament de l’Âge d’Or mythique, où la société n’était pas divisée en classe. Tilda et ses compagnons vont aussi tomber sur une communauté de femmes vivant en autarcie dans la forêt en suivant les principes de l’Âge d’Or. Ses compagnons commencent à avoir des doutes sur l’idée de soutenir un monarque contre un autre. Et quelles sont ces visions que Tilda a de plus en plus fréquemment, qui lui font voir une guerre à venir, qui semble l’épuiser et la rendre cruelle ?

C’est très dense. Ce premier tome pose largement plus de questions qu’il n’en résout, mais l’univers semble passionnant. Le dessin de Cyril Pedrosa est magnifique, grosse recommandation.

Tome 2 :
Moins convaincu. Je l’ai trouvé beaucoup moins dense que le premier. Le dessin est toujours très beau, mais l’action est très resserré sur le siège d’une forteresse, il n’y a pas le côté grand panorama qu’il y avait dans le précédent. Les fils narratifs en suspens sont tous résolus, mais il y a beaucoup moins ce souffle épique du premier. Un peu dommage.

The Goblin Emperor, de Katherine Addison

Roman de fantasy sorti en 2014. Maia est le plus jeune fils de l’Empereur des Elfes. Fils de sa quatrième épouse, une gobeline épousée pour des raisons politiques, il a été exilé de la Cour et assigné à résidence à la mort de sa mère. Mais voilà, le crash d’un zeppelin a emporté son père et tous ceux qui le précédaient dans la ligne de succession, et Maia est appelé à régner sur une Cour et un pays dont il ne connaît pas grand chose.

La focalisation est interne à Maia, et c’est ce qui fait tout l’intérêt du bouquin : le héros sort d’une enfance particulièrement traumatique, ne fait avec raison confiance à personne et passe son temps à se corriger et à tenter de s’adapter à son rôle et à ce que tout le monde semble attendre de lui sans jamais l’énoncer de façon explicite. Le roman se focalise sur les intrigues de cour et comment Maia manœuvre à travers. On voit assez peu l’univers en dehors du Palais Impérial, ce qui est dommage parce qu’il a l’air assez cool (il y a des zeppelins, donc, et un proto-syndicat, mais ça reste vraiment en arrière-plan). C’est un peu l’esquisse d’un univers, surtout qu’en tant qu’empereur, Maia interagit surtout via plusieurs couches de serviteurs avec le monde et a une parole souvent performative.

Je recommande si vous aimez les questions d’étiquettes et si vous n’êtes pas rebutés par les personnages bien écrit mais quand même très nobles de cœur. Je le rapproche un peu de The Sword of Winter pour le côté roman de cour + fantasy.

Titanshade, de Dan Stout

J’étais tombé sur le bouquin via sa recension sur Le Culte d’Apophis, un blog mentionné par aaz et qui recense pas mal de bouquin de SF et de fantasy publiés en français ou en anglais. Autant je n’avais pas été convaincu par leur chronique enthousiaste de Promise of Blood, autant pour Titanshade j’ai beaucoup aimé l’ambiance.

Au delà de comment je suis tombé sur le livre, quid ? Titanshade est un polar qui se passe dans la ville éponyme, une cité perdue au nord du cercle polaire, rendue habitable grâce au microclimat du volcan sur les pentes duquel elle est perchée. On suit les aventures de Carter, un détective du TPD, qui coche toutes les cases du cliché du flic de film noir à qui il n’arrive que des emmerdes, à la fois couvert et détesté par sa hiérarchie, tentant d’œuvrer pour le bien public dans un environnement aux institutions corrompues. L’univers est très inventif : Titanshade fait partie d’une coalition de Cité-États, dans un monde couvert d’un continent unique, où cohabitent huit races intelligentes (mais toutes très anthropomorphes, ça pour le coup c’est le seul point un peu dommage), et où la magie existe, mais est en déclin depuis l’extinction pour cause de surpêche des baleines, desquelles était extraite le manna, une huile qui était à la fois une réserve de magie et d’énergie. Depuis, l’industrie mondiale a pivoté vers the next best thing, le pétrole. Ce qui explique l’importance de Titanshade, qui était situé sur d’immenses champs pétrolifères, mais qui arrivent eux aussi sur leur fin de vie… L’univers est dense, donc et l’époque mise en scène ressemble aux années 80 : il y a des pagers, des cabines téléphoniques et du disco à la radio. Entre le personnage principal flic et cet environnement, il y avait de grosses vibes Disco Elysium. L’histoire suit une enquête de Carter avec des enjeux politiques importants, on a vraiment tous les codes du polar avec une couche d’infodump en plus pour détailler l’univers, assez réussie puisqu’elle ne gène pas la progression de l’intrigue.

Je recommande, si vous n’avez pas peur des clichés du polar.

Promise of Blood, de Brian McClellan

Roman de fantasy sorti en 2013. L’histoire se déroule dans un univers qui rappelle la fin du XVIIIe siècle européen. Le roman s’ouvre sur la chute d’une monarchie absolue suite à un coup d’État de l’armée, il y a un syndicat, des colonies, une artillerie. Mais il y a aussi de la magie, des dieux, des prophéties…

L’univers est original et très prenant, avec un système de magie intéressant. C’était fort sympa de sortir de la fantasy médiévale.
Par contre c’était un poil trop militariste à mon goût, puisqu’on suit deux mages-artilleurs et un inspecteur anciennement policier ; on n’est pas exactement dans la critique gauchiste des pouvoirs établis. Même s’il y a des personnages féminins intéressants, toute la narration est faite par les yeux de mecs et les femmes restent largement à l’arrière-plan (et beaucoup – mais pas toujours – comme des femmes de ou filles de).

C’est le premier tome d’une trilogie, je vais clairement aller lire les suivants, il reste plein de pistes ouvertes et j’espère que les défauts seront un peu rectifiés (ce serait assez facile à faire en variant les points de vue).

EDIT 13/02/20

J’ai lu les deux tomes suivants, donc tout le cycle (l’auteur a écrit une autre trilogie dans le même univers, mas qui se passe 10 ans plus tard et dans une autre partie du monde). Ça se lit de façon relativement prenante, mais c’est loin d’être inoubliable. Le tome 2 est clairement le plus faible du cycle, se concentrant vraiment trop sur les aspects militaires, là où le 3 ré-ouvre un peu l’intrigue sur des questions politiques et une enquête policière.

Globalement l’univers est très intéressant, mais ça manque d’un travail d’édition. Du point de vue de l’écriture en elle-même, où il y a de petites incohérences qui montrent un manque de relecture globale, et où trouve des lourdeurs et des répétitions (vu le nombre de fois où la consommation de poudre par les mages-artilleurs est décrite exactement de la même façon, ça devient rapidement ennuyant). Du point de vue du fond, des suggestions d’éditeur sur le développement de certains personnages ou de certaines relations entre elleux aurait été intéressant. Bon déjà sur 1200 pages, la trilogie ne passe pas le test de Bechdel, ce qui est dommage en soi, surtout qu’il y a pourtant de nombreux personnages féminins – même dans l’armée, totalement mixte, mais ces personnages sont finalement toujours isolés – pas non plus de personnages non-hétéros. La relation Taniel / Ka-Poel est franchement mal écrite, la seconde étant décrite à la fois comme une mage et une guerrière incroyablement puissante, et comme une petite chose fragile que Taniel doit protéger. Des problèmes aussi sur le côté assez similaire à 300 du conflit entre les nobles soldats d’Ardo compétents mais en petit nombre et l’armée d’un million d’hommes des Kez incompétents et fourbes ; c’est surtout présent dans le second tome (où l’armée d’Ardo doit tenir un défilé…), un peu rectifié dans le troisième.
Tbh, je pense que l’auteur est un peu de droite.

Dans les côtés positifs, le mélange entre les capacités magiques et la période temporelle est original, les différents types de magie aussi. Les mages-artilleurs sont intéressants, même si on les sent taillé.e.s sur mesure pour pouvoir raconter une histoire dans un cadre militaire (même remarque sur la géographie d’Adro d’ailleurs, un pays entouré de montagnes infranchissables – à trois points de passage stratégique près). L’auteur prend le temps de développer ses personnages, qui ont une épaisseur psychologique, un système de valeur interne, des doutes… même s’ils restent assez tropesques par moment.

À lire si vous voulez de la fantaisie avec des mousquets et un bon worldbuilding, à ne pas lire si vous voulez un truc conscientisé.

L’Ours et le Rossignol, de Katherine Arden

Roman de fantasy inspiré sur le folklore russe. Au XIVe siècle, la fille d’un seigneur du Nord découvre qu’elle a le don de double-vue : elle peut voir les créatures folkloriques, et les esprits domestiques. Au moment où un ancien esprit maléfique se réveille, le nouveau prêtre du village travaille à détourner les habitants des esprits familiers au profit de la foi chrétienne, affaiblissant leurs défenses.

Des éléments de folklore et de narration qui rappellent les romans de Naomi Novik. On a la même focale sur une héroïne qui se débat avec les conventions genrées de son époque (mais ici elle ne finit pas par tomber amoureuse, c’est bienvenu). Pas beaucoup d’action par contre, le roman est essentiellement l’établissement progressifs des termes de la situation, mais tout se résout très vite, avec une héroïne qui ne fait finalement pas grand chose d’héroïque. Un peu dommage de ce point de vue là. Du coup sentiment un peu mêlé : c’était sympa à lire sur le coup, pas de défauts majeurs, une héroïne attachante, mais on ne retire pas grand chose du roman non plus.