Essai sur les liens entre extractivisme des énergies fossiles (charbon, gaz, pétrole) et extrême-droite.
Les auteurices montrent que là où on agite souvent le fantasme d’une « dictature verte » (qui prendrait des mesures coercitives pour l’environnement en nous empêchant de manger trois steaks pendant nos voyages en avion quotidiens), en Europe et en Amérique du Nord les partis autoritaires se réclamant du fascisme ou de l’extrême droite sont très largement plus dans la défense des énergies fossiles et du statu quo actuel.
Iels reviennent sur les origines du négationnisme climatique poussé par les majors pétrolières dans les années 60, 70 et 80 puis abandonnées par elles au profit d’une posture de verdissement de façade de leurs activités et de la promotion du libéralisme pour régler la question du climat (à base de bourse du carbone et de banques de restauration écologique). Le négationnisme climatique reste un discours promu par l’extrême-droite jusque dans les années 2010 par contre, couplé à l’idée que la question du changement climatique serait un écran de fumée pour détourner le regard du vrai problème que serait l’immigration, voire pour culpabiliser l’Occident et donc faire accepter plus facilement l’immigration. Bref, ce ne serait qu’une attaque sur le mode de vie occidental et autre délires complotistes.
À partir de la seconde moitié des années 2010, même l’extrême-droite commence à reconnaître la réalité du CC, mais avec un discours comme quoi verrouiller les frontières et réprimer l’immigration serait la meilleure façon d’agir pour la planète : on protège le territoire national des espèces invasives et des populations pas de chez nous du même coup, dans un discours qui confond volontairement le biologique et le social. Entrelacement aussi des thématiques « préférence nationale » et « localisme », et discours sur les « enraciné·es » vs les « nomades » qui reprend la rhétorique antisémite et anti-élites du « cosmopolitisme ». Ce sont ces discours qui font le lien avec les tendances fachos de l’écologie intégrale et avec les stages de survivalisme/thèses effondristes. Intégration aussi d’un discours néomalthusien où le problème de surconsommation des ressources planétaires ne serait pas le consumérisme et le capitalisme mais « les Africains qui font trop d’enfants ». Tout ça est bien pratique pour quand on arrive au pouvoir, ne finalement rien faire sur les questions écologiques (exemple de la Finlande en 2015, où le parti d’ED dans la coalition au pouvoir, malgré son discours vert, n’a rien fait sur la réduction des GES mais a réprimé l’immigration). Bref, par rapport au négationnisme climatique c’est une autre stratégie pour atteindre les mêmes objectifs : promouvoir le racisme et laisser les énergies fossiles tranquilles.
Le fascisme prospère sur les crises. Pour les auteurices, deux types de crises écologiques peuvent faire avancer le fascisme fossile :
- Crise d’atténuation : un gouv écolo met en place des politiques contraignantes pour le secteur fossile : cette industrie est incitée à se tourner vers les partis fascistes comme alternative de gouvernement pour préserver leur rente (« plutôt Hitler que les Khmers verts »)
- Crise d’adaptation : les conséquences du CC érodent le niveau de vie, boostant l’attractivité des conservateurs ayant une rhétorique à base de « bon vieux temps » et de la défense de la Nation contre celleux qui sont à nos portes et veulent nous prendre le peu qu’il nous reste.
Attrait symbolique des fascistes pour les E. fossiles aussi car il s’agit d’un stock d’énergie vs les renouvelables qui sont des flux. La matérialité des fossiles permet de leur accrocher plus facilement une étiquette du style « notre énergie ». En plus il vient du sous-sol : ça rejoint tout le trip fasciste sur la terre qui ne ment pas, et on peut lui coller une origine géographique donnée (vs le vent et le soleil qui sont totalement indifférents aux frontières). Enfin, les fossiles sont liées à l’Histoire (et aux Mythes) de l’impérialisme et du colonialisme occidentale, avec l’établissement des rapports de domination sur le reste du monde permis par l’exploitation des moteurs à vapeur puis à explosion (les auteurices parlent de technoracisme). Face à ça, les renouvelables sont intangibles et intermittents : on peut plus difficilement leur coller une rhétorique de puissance, de maîtrise totale, de supériorité (les barrages hydroélectriques avec leur constance et leurs stocks d’eau sont d’ailleurs le renouvelable le plus accepté par les fascistes). En plus, pour pallier l’intermittence il est crucial d’avoir un grand réseau connecté : pour l’Europe ça veut dire collaborer entre pays, pas le plus gros trip des fascistes.
L’idéologie cartésienne de « se rendre maître et possesseur de la Nature » a dans pas mal de configurations englobé dans « la Nature » les populations locales non-blanches : il y avait exploitation simultanée du Capital que fournissait la Nature et du Travail des populations en question. De plus, la philosophie extractiviste est plus facile à faire passer en considérant que les locaux dont on pille les ressources et flingue l’environnement sont par essence inférieurs et incapable de bien gérer ces ressources par elleux-mêmes. Le racisme est un outil utile à l’extractivisme.