Troisième jour. Nous replions rapidement le campement et descendons vers Candanchú. Nous passons à travers les pistes de ski, arrivons dans la partie construite. Un orage s’est levé entre temps, les premières gouttes commencent à tomber. Échaudés par l’expérience du premier jour, nous nous abritons sous un arrêt de bus. Quelques parties de cartes et quarante minutes plus tard, l’orage est passé. Nous empruntons une variante du GR11 qui fait aussi partie des Chemins de Saint-Jacques pour descendre de Candanchú à Canfranc.
Canfranc est une gare énorme construite dans les Pyrénées à l’orée du XXe siècle, avec des travaux d’ingénierie massives pour faire une liaison ferroviaire transpyrénéenne qui devait permettre un déplacement par chemin de fer facile, un grand projet franco-espagnol. La gare fut réalisée, les viaducs construits et les tunnels percés, mais le trafic ne fut jamais au rendez-vous. De nos jours, le trafic coté français s’arrête à Bedous, le terminus de notre train à l’aller. Il est périodiquement question de relancer le trafic entre les pays, mais ces projets n’aboutissent jamais.
Notre objectif était de faire de l’urbex à Canfranc, un but partiellement atteint : il reste un train et quelques hangars à l’abandon, mais le bâtiment principal de la gare est en cours de réfection en tant que patrimoine architectural aragonais. Impossible d’y rentrer discrètement. C’était surprenant de voir soudainement autant de gens dans la ville après deux jours et demi de randonnée, d’ailleurs. Nous avons par contre pu voir le long du chemin de randonnée des restes de bunkers prévus pour garder la vallée contre une invasion depuis la France.
Après un peu d’exploration, nous nous abritons d’un nouvel orage dans un hangar. Nous prenons notre déjeuner sur une table et des chaises laissées là. Soudain une bande de jeunes espagnol.e.s arrivent. Visiblement c’est leur spot de rendez-vous habituel. Le hangar est vaste, on reste chacun dans notre coin. Iels discutent entre elleux, puis se mettent à ranger tous les restes de la soirée précédente qu’ils avaient passé là. Iels sont particulièrement efficaces et remettent tout en état. Iels nous demandent même si on a des trucs à jeter, on se débarrasse avec joie des emballages en trop (qu’on voulait jeter à Canfranc dans tous les cas pour s’alléger pour la remontée).
L’orage cesse, on entame le retour vers Candanchú et la frontière. La pente est raide mais on monte vite. On dépasse Candanchú, emprunte les chemins de Saint-Jacques à l’envers (une sorte de pèlerinage satanique) pour atteindre le col du Somport. De là nous obliquons vers Astún, autre station de ski espagnole. Nous montons au dessus d’Astún en longeant un ruisseau, jusqu’à arriver au lac d’Escalar. Personne d’autre que nous. Montage du bivouac, courte baignade, soirée posée. À quatre heure du matin nous sommes réveillés par des vaches qui passent proche de la tente en balançant visiblement leurs cloches le plus fort possible. On suppute qu’elles font le coup à tous les randonneurs qui squattent leur pâturage. Nous réussissons néanmoins à nous rendormir.