Film d’horreur/de SF américain de 2018. L’article est rédigé par OC.
Film d’autant plus décevant que le principe avait l’air extrêmement prometteur (« Ça fait peur et y’a de la langue des signes ») : une famille vit en mode survivaliste (de luxe) dans la campagne américaine, dans un futur proche où des bestioles aveugles mais à l’ouïe très fine repèrent leurs proies (= les humains et, apparemment, les ratons-laveurs) de très loin et les bouffent en moins de temps qu’il ne faut pour dire « hyperacousie ».
On voit donc toutes les stratégies mises en place par la famille pour vivre sans faire de bruit : langue des signes (ce qui est facilité par le fait que l’aînée est sourde – le personnage est d’ailleurs incarné par une comédienne elle-même sourde, ce qui est appréciable), sable ou peinture sur le sol pour atténuer les bruits de pas ou mettre en évidence les planches de l’escalier qui ne craquent pas, communication en morse ou par signaux lumineux, couffin insonorisé pour le bébé à naître… Visuellement c’est plutôt réussi.
En revanche, le scénario est grevé de ficelles tout aussi énormes que les trous, ce qui rend difficile de rentrer totalement dans le film. Classiquement, le scénario repose quasi intégralement sur le fait que les personnages font des trucs idiots (est-il donc à ce point impossible d’imaginer un scénario un peu ambitieux où les gens fonctionneraient de manière un peu rationnelle ?) et qu’ils ne se parlent pas. Là, ça pourrait se justifier en partie par le fait que, bah, les gens ne peuvent pas se parler de vive voix (sinon ils sont morts), sauf que justement le nécessaire silence ne les empêche pas de communiquer de plein d’autres manières. Du coup, il y a un gros déséquilibre entre la mise en place d’un univers assez stylé, plein de trouvailles, et l’utilisation plus que réduite qu’en fait le scénario, qui tient sur pas grand chose.
En ce qui concerne les (très) vilains monstres, il ne faut pas longtemps au/à la spectateurice pour imaginer quelques techniques qui auraient permis de faire diversion, de les attirer dans un piège, ou de réaliser des cachettes sonores. Plusieurs plans s’attardent sur des unes de journaux qui titrent « Rien ne peut les arrêter ! » alors que ce qui les arrête, finalement, est un truc plutôt trivial (à savoir « balancer du son à haute fréquence », ce qui est quand même une technique employée par un certain nombre de municipalités pour faire fuir les jeunes qui font tache dans le paysage urbain bourgeois). Mais bon, du coup le film aurait été un peu court, forcément.
Un autre point qui m’a déçue est le traitement du son au long du film. Certes, je ne l’ai pas regardé dans des conditions excellentes et n’ai peut-être donc pas profité de toutes les subtilités. Certaines choses m’ont parues intéressantes mais pas assez assumées (des scènes perçues du point de vue de la jeune fille sourde où le son est coupé, mais seulement pendant quelques secondes ; la scène très touchante où le cadet crie, profitant du bruit de la cascade, mais qui se transforme en fin de compte en set-up d’une autre scène avec la mère). D’autres choses sont franchement vues et revues (enfin… entendues et ré-entendues ?). Je pense notamment aux cris et grognements des méchants monstres qui m’ont évoqués… tous les cris et grognements de tous les méchants monstres dans tous les films américains. Pour moi, aucun sound design un peu original, alors que ce film était l’occasion de faire quelque chose de génial.
Je finirai en parlant la morale sous-jacente du film, et notamment les représentations genrées (puisque c’est ça qui m’intéresse dans la vie, avec les autobiographies de mathématicien-nes). Sur ce point, je suis assez partagée. Le fonctionnement de la famille est ultra patriarcal : le père gère les aspects techniques et technologiques, la chasse, la protection physique de la famille. La mère s’occupe de la santé, de la lessive, de la nourriture, du soin émotionnel. Cette répartition (appuyée de manière lourdingue) est perpétuée par le père, qui oblige son fils à l’accompagner à la pèche alors que ce dernier n’en a aucune envie, et refuse à sa fille d’y aller alors qu’elle en meurt d’envie. De ce point de vue, le positionnement des enfants opère une remise en question du modèle parental : le garçon exprime ses émotions, fait preuve de sensibilité et aide à rétablir les liens affectifs brisés, la fille est bricoleuse et butée. A la fin, c’est la fille qui trouve la solution pour se débarrasser des monstres, soulignant au passage que son père était bien bête de lui interdire l’accès à son atelier car la solution était là depuis l’début. Je pense (j’ose espérer) que c’est l’un des buts du film : un semi-bon point, donc. M’enfin le modèle qui perdure c’est quand même l’autarcie du noyau familial hétéro et la puissance de la carabine face à l’envahisseur. Politiquement (quand par ailleurs on peut déceler un positionnement plutôt pas mal) c’est assez limité, voire un peu craignos.
et puis j’ai pas eu peur :(
Une réflexion sur « Article invité : A Quiet Place, de John Krasinski »